Quand l’agriculture urbaine prend de la hauteur

Été 2018

À septante marches du sol, sur le toit d’un immeuble, se trouve Peas & Love, un projet d’agriculture urbaine qui veut changer les habitudes d’alimentation des habitants de Woluwe-Saint-Lambert. Ici, on peut louer des parcelles de potager qui seront entretenues par un ingénieur agricole et récolter soi-même ses fruits et légumes de saison. Jean-Patrick Scheepers, son fondateur, nous parle plus en détail de son concept de fermes urbaines.


 

En quoi consiste votre initiative, Peas & Love?
Peas & Love comprend deux parties. La première consiste en une série de parcelles de potager de 3 mètres carrés avec 71 emplacements de plantes possibles qui vont être produits toute l'année en rotation. Nos community farmers s'occupent de la récolte du potager et de l'entretien de la parcelle pour nos clients. Selon la saison on va avoir des fraises, des tomates, des piments, des concombres et des poivrons en l'été par exemple. On aura aussi des légumes feuilles comme le chou pak-choï, des salades, laitues, tétragones, et beaucoup d'autres. Nous proposons aussi des plantes aromatiques, des légumes racines, des choux et des fleurs comestibles. Ça c'est le côté Peas. Le côté Love du projet c'est l'aspect de la communauté. Nous encourageons à partager l'espace et les valeurs du projet qui sont de rendre la ville plus durable, résiliante et plus verte. On va partager aussi l'information via des animations et des ateliers.

Comment favorisez-vous la rencontre entre vos clients?
On réalise des ateliers deux fois par mois, pour le moment il s'agit des ateliers de conservation de légumes ou de cuisine mais petit à petit ça évolue vers des ateliers qui sont plus liés à des thématiques durables, toujours en fonction de la période de l'année. Pendant l'hiver on va favoriser des conférences et des cycles d'animation qui vont traiter des sujets plus théoriques et pendant l'été on sera plus axés sur le jardin.

Vous êtes installé sur un bâtiment qui a reçu des prix pour ses qualités écologiques, pouvez-vous nous en dire plus?
C'est un bâtiment qui a été construit bien avant que nous arrivions et Peas & Love était un peu la pièce manquante de leur bâtiment. Quand on est arrivé ils nous ont accueillis avec beaucoup de plaisir. L'herbe était déjà là et nous y avons ajouté de la biodiversité. Il y a 20.000 plantes ici dont 100 espèces différentes, donc on a vraiment changé la donne écologique du site. Mettre une ferme dans un quartier comme celui-ci a plusieurs impacts positifs. Premièrement, ça va favoriser la biodiversité. Deuxièmement ça va réduire les hausses de chaleur.

La végétation en ville, c'est prouvé, diminue la chaleur globale. Les plantes absorbent l'énergie diminuant la température globale de la ville.

Et le troisième point c'est que ça va aider dans la gestion de l'eau pluviale. Nous récupérerons l'eau de pluie et même si ici on est en hors-sol, nos légumes ne poussent pas en hydroponie sinon en substrat et cela favorise grandement l'augmentation de la biodiversité en ville.

Quel est votre mode de production ?
On est en mode de production biologique, ce qui veut dire qu'on n'utilise pas de pesticides ni d'engrais minéraux mais des engrais organiques. On va traiter en prévention nos légumes avec des engrais organiques comme du purin ou des décoctions pour renforcer les plantes. Faire cohabiter plusieurs plantes différentes ensemble favorise leur entre-aide pour résister aux maladies. Donc on a comme résultat une ferme qui est très résiliante aux maladies, qui résiste aux ravageurs et qui permet finalement d'avoir un mode de production qui est très serein. C'est l'angle de la permaculture qu'on a pris.

Comment avez-vous débuté ce projet ? D'où vous est venue l'idée ?
J'ai eu plusieurs vies d'entrepreneur mais à chaque fois, là où j'ai déposé mes valises j'ai toujours fait un potager. Ça pouvait être dans la terre, dans des bacs ou sur une terrasse mais ça ne fonctionnait jamais. Avec beaucoup d’enthousiasme, j'allais dans les pépinières mais mes récoltes ne donnaient pas grand chose. Un peu de menthe, un peu du romarin mais l'impact que ça avait sur mon alimentation était trop restrictif. J'avais envie d'avoir un potager qui fonctionne mais n'ayant pas le temps ni la connaissance ni l’envie non plus d’aller vers une association ou un jardin partagé, je me suis dit que s'il existait des fermes comme celle-ci je serais client.

Qu'est-ce que vous diriez à un sceptique de l'agriculture urbaine?

Que je le comprends parce que c'est très varié, il y a beaucoup de fausses idées. Quand on dit qu'on va nourrir les villes en ville, c'est absurde ce n'est pas possible de nourrir le nombre des personnes d'une ville seulement avec l'agriculture urbaine. Je pense que ce n'est pas le débat.

Le débat c'est de reconnecter les citoyens à la nature et d'avoir un sens social dans ce que l'on fait.

Ça c'est la vraie fonction de l’agriculture urbaine, c'est comme ça que je vois les choses.

Est-ce que vous comptez lancer un autre site sur Bruxelles?
Oui dans le quartier nord. On y a fait un petit pop-up pendant l'été dernier mais j'espère surtout en installer sur plusieurs nouveaux sites. Nous sommes à la recherche de sites et on est en négociation dans plusieurs quartiers, mais c'est toujours compliqué à trouver.

Combien produit une parcelle par semaine? Est-ce que cela suffit pour une famille de 5 personnes par exemple?
Une parcelle mesure 3 mètres carré. Pour nourrir une famille de 5 personnes avec ça il faut me donner le prix Nobel. Néanmoins, on cherche à avoir un impact sur l'alimentation des gens. Comment fait-on alors? Une famille peut prendre plusieurs parcelles, mais surtout il faut remettre les choses dans le cadre... Combien de kilos de nourriture pensez-vous que vous consommez en moyenne par an? 100 kilos c'est la moyenne européenne. De ces 100 kilos on va arriver à en faire pousser 30, donc un tiers qui va apporter un changement dans l'alimentation. On vient de sortir un livre de cuisine pour apprendre à cuisiner avec toutes les herbes et les légumes qu'on produit. L'idée est de dire que si on utilise bien nos produits, si on change notre façon de consommer, nous améliorons notre santé en mangeant moins gras, moins sucré. En plus de ça, en venant récolter une fois par semaine ses propres légumes, on se reconnecte avec la nature et ça fait du bien.


La ferme Peas&Love est ouverte du mercredi au samedi de 10h à 19h et le dimanche de 10h à 17h, au 15 avenue Ariane à Woluwe-Saint-Lambert.
Pendant l’été 2018, une ferme Pop-Up est installée sur la plate-forme du WTC 1 dans le quartier Nord à Bruxelles.

Illustrations Adèle Jolivard