En plus de servir des aliments bio, locaux et de saison, cette cantine de quartier située à Ixelles tisse des liens entre les habitants du quartier et rend le mode de vie durable accessible à tous. Oui, à tous! Le pari de Refresh est de combiner une approche globale de l’alimentation, depuis la production jusqu’à la transmission de savoirs, aux préoccupations écologiques ainsi qu’à de l’inclusion sociale. Entretien avec Laurent Dennemont, coordinateur de Refresh.
Peux-tu nous raconter l’origine de Refresh?
L'origine du projet remonte à 4,5 ans. Nous sommes partis du constat que les publics précarisés n'ont pas accès à de la nourriture saine et fraîche. L'idée était de récupérer les invendus alimentaires pour les transformer chez Refresh et les distribuer via des épiceries sociales en lien avec le CPAS. Le projet de Refresh devait d'inscrire dans la stratégie Goodfood qui a pour but d'éduquer et de sensibiliser les gens à mieux manger : manger plus local, de saison et de manière saine. Mais le problème c'est que les invendus qu’on pouvait récupérer n'étaient pas spécialement sains, ni locaux, ni de saison. Nous avons donc fait le choix de développer des partenariats avec des fournisseurs qui sont des petites structures locales. On a aussi développé le projet d'insertion socioprofessionnelle et de cantine de quartier sur le temps du midi. Depuis l'année passée, on a essayé de retravailler sur ces questions de récupération d'invendus et de gaspillage alimentaire qui sont dans l'ADN de Refresh.
Aujourd'hui Refresh est un projet multifacettes. Il y a la cantine de quartier qui fait de l'insertion professionnelle en cuisine et qui sert une alimentation saine et goûteuse, et nous avons aussi un volet éducation et sensibilisation aux thématiques d'alimentation durable et d'agriculture urbaine.
Autour de tout ça gravitent les thématiques du gaspillage alimentaire, du zéro déchet, de la réappropriation de savoir-faire, etc. Beaucoup de petits entrepreneurs ou d’asbl se lancent dans des sujets de niche liés à l'alimentation qui intéressent de plus en plus de gens et nous essayons de donner de la visibilité à toutes ces initiatives et de valoriser le lieu en dehors des heures du midi.
Qu’est-ce que tu réponds à ceux qui disent que les préoccupations écologiques ne s’adressent qu’aux gens aisés?
Ce n’est pas toujours vrai. Une de nos missions principales est de rendre l’alimentation bio et locale accessible à tous. C’est notamment pour ça qu’on développe des projets avec la Cocof ou avec le “brunch du tour du monde en 183 assiettes” avec le MEDEX. Ils travaillent souvent avec des publics assez précarisés. Ce brunch, qui récupère des invendus en semaine pour les cuisiner le dimanche, est à prix libre pour rendre cette alimentation accessible à tous.
Mais c’est aussi vrai qu’on se rend compte qu’on touche essentiellement des personnes qu’on pourrait qualifier de “bobo”. Mais ce sont des personnes qui comprennent les enjeux de l’alimentation, qui sont des enjeux pas seulement de santé ou écologiques mais aussi politiques et sont des choix de société qui nous impliquent tous. Tout le monde n’a pas accès à toutes ces dimensions. Donc oui, d’une certaine manière c’est le cas. Mais pour qu’il y ait des changements dans la société, il faut qu’il y ai des entrepreneurs qui se lancent. Et quand on se lance dans une entreprise qui veut changer les choses, les premières personnes qui ont le pouvoir d’achat pour acheter le service ou le bien sont souvent ce public plus éduqué. L’idée c’est de toujours avoir le souci de cette mixité et de ne pas rester dans un entre-soi. Honnêtement ce n’est pas toujours évident.
Vous travaillez alors avec les gens du quartier?
On est arrivé à la conclusion qu’on doit vraiment travailler avec des associations qui ont ce public. Notre structure n’a pas les moyen d’aller chercher les publics directement. On travaille donc avec différentes associations. On a, par exemple, développé un partenariat avec le Senghor et le CPAS d’Etterbeek. Fin 2017, ils sont venus à une quinzaine de personnes pour pousser le pas de la porte. Tout est dans le bouche à oreille et la connaissance du projet. On sait très bien que ces personnes ne vont pas venir tous les jours mais on a une double tarification à 50% pour les publics précarisés.
Peux-tu nous parler du jardin de Refresh?
L'idée est née assez rapidement d’avoir un jardin qui soit démonstratif et exemplaire, à la fois beau, productif et pédagogique. Au début, j’ai fait appel à des personnes qui avaient fait la formation en maraîchage biologique mais je me suis rendu compte que pour s’occuper d’un jardin il faut être proche et avoir une disponibilité assez importante.
Parallèlement à ça, j’ai rencontré un collectif de la rue qui se retrouvait une fois par an dans le parc du Viaduc et je leur ai proposé de pouvoir se réunir chez Refresh une fois par mois. Ils ont commencé à se réunir et à faire une grande auberge espagnole le dimanche. L’un des voisins, qui adore jardiner, était super intéressé par la serre. Il a alors pris la direction du potager. C’est donc ce collectif qui gère le potager, la serre et le poulailler. Le fait de se retrouver ainsi chaque semaine leur a permis de mener d’autres actions. Ils ont, par exemple, nettoyé toute la rue, organisé une brocante, etc. Refresh a vraiment eu un effet de levier sur ce collectif de citoyens.
Mixer la dimension sociale avec l’alimentation durable et le travail de la terre, c’est un questionnement très contemporain. Comment vois-tu ce mouvement évoluer?
J’ai très vite vu l’intérêt de vivre en ville, de ne pas avoir de voiture et de ne pas être dans ce modèle où on habite à la campagne pour avoir un peu de nature mais à la fois on se tape 2,3 heures d’embouteillages par jour. Pour moi c’est, en terme de qualité de vie, une hérésie. Très vite, je me suis demandé comment faire pour que la ville soit de plus en plus intéressante et conviviale.
Habiter en ville n’est pas toujours un renoncement, alors comment fait-on pour que ça se passe bien, comment végétalisons-nous la ville?
Il y a les moyens de verduriser plus la ville, de la rendre moins polluée. Je pense qu’il y a une prise de conscience des citoyens mais aussi de certains politiciens que la ville doit être conçue différemment. Il y a sûrement un côté “trendy” dans ce mouvement mais il faut savoir saisir les opportunités. L’idée est d'essayer d’avancer ensemble parce que de toute façon on est tous dans le même panier.
Comment vois-tu évoluer Refresh?
Mon souhait serait que Refresh soit un modèle qui se développe. Je suis partisan du développement de solutions décentralisées. L’objectif c’est que Refresh fasse des petits et crée des émules au sein d’autres communes et d’autres collectifs et qu’ils s’inspirent de ce qu’on essaye de mettre en oeuvre. C’est pour ça que, dans tout ce qu’on fait, j’essaye de faire le plein d’informations pour faire en sorte qu’on puisse identifier les freins et les leviers. Ainsi, un nouveau projet qui se développe peut se nourrir de notre expérience et éviter les écueils qu’on a pu rencontrer. Je ne pense pas qu’on puisse faire de copier/coller parce que Refresh s’est monté en fonction des opportunités mais il y a des choses qui peuvent être dupliquées.
Refresh est ouvert du mardi au vendredi de 12h à 15h.
39 Rue du Sceptre, 1050 Ixelles.
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Photos : Louise Devin