Cela fait quelques temps qu’on suit La table d’Aline. On a testé son banana bread, son pain aux légumes, ses langues de chat, son curry de patates douces et d’épinards, on a pas mal mangé avec les yeux aussi. Chacune de ses recettes nous a fait rêver d’Italie, de soirées entre copains autour de bons plats, de plateaux télé devant un film un dimanche soir. Et Aline en vrai c’est la même chose! Elle nous a ouvert les portes de son appartement ixellois et nous a préparé un potimarron grillé, du riz rond miso avec de la grenade et de la feta qu’on a dégusté avec un verre de vin. C’était bon, c’était bien, merci Aline!
Quel est ton premier souvenir culinaire?
Petite, j’ai passé beaucoup de temps chez ma marraine, Taty, et elle faisait avec moi son pain au levain. Elle m’a appris à le pétrir à tel point que le pain est devenu ma passion. J’apprends à des gens à pétrir le pain et je vois bien que ce n’est pas du tout inné chez tout le monde. Il y a vraiment ce geste important, et je le trouve très beau. C’est là que j’ai compris que la cuisine a des pouvoirs de plaisir et de bonheur. Taty me disait qu’elle faisait son pain quand elle était fâchée, énervée et le fait de pétrir son pain adoucissait toujours son humeur.
Je continue à faire mon pain et je le remarque à chaque fois, mon pain n’est jamais le même selon mes humeurs.
As-tu un ingrédient phare dans ta cuisine?
Les grenades! Mais il y a plein d’autres choses : le zeste de citron, la coriandre, toutes les herbes fraîches, la betterave crue et comme je suis très cuisine italienne, l’huile d’olive, parmesan. Ce sont des produits qu’il faut toujours avoir de très bonne qualité dans son frigo. J’arrête là parce qu’il y en a plein, j’aime tout!
D’où te vient cette passion pour la Sicile et les films italiens?
C’est un ami, Marcello, qui m’a emmené dans un village de sa famille il y a quelques années, à Pantelleria , une île sicilienne proche de la côte tunisienne. C’est une île très particulière parce qu’elle est bercée par le Moyen-Orient. On y trouve les meilleurs câpres, et il y a aussi les amandes, le vin, les figues, etc. Quand je suis arrivée sur cette île, tout a fondu en moi, j’ai eu l’impression d’être chez moi. Depuis j’y retourne chaque année. Cette île me correspond parfaitement.
Quel est ton parcours? Comment es-tu arrivée à la cuisine?
Quand j’étais plus jeune j’ai toujours cru que j’allais être dessinatrice. Quand je suis arrivée à Bruxelles j’ai fait l’Académie des Beaux-Arts. J’y ai fait un an et j’ai tout de suite compris que j’allais dessiner toute ma vie mais que ça ne serait jamais mon métier. Par contre, j’avais un cours de photo qui était obligatoire que j’ai vraiment beaucoup aimé. Après avoir raté ma première année à l’Académie, j’ai commencé suivre des cours de photo au 75. Après mes études, j’ai essayé de travailler comme photographe mais c’était très pénible, je n’arrivais pas à avoir de commandes. J’ai tout remis en question. Je ne sais plus d’où c’est venu mais un jour j’ai décidé d’inviter une douzaine de copains chez moi et de faire une table d’hôte. Ça a très vite marché, j’ai demandé à tout le monde d’en parler autour de soi.
Je faisais des tables d’hôte une fois par mois et je me suis très vite retrouvée à faire à manger pour une trentaine de personnes.
J’en parlais beaucoup à ma famille, et ma soeur qui faisait des cours de cuisine à Namur m’a motivée pour que je les suive avec elle. J’y suis allée, elle a abandonné après une année et moi j’ai fait les trois ans! Quand j’ai été diplômée, j’ai eu tout de suite du boulot et j’ai travaillé dans plusieurs endroits. Et puis, il y a eu un déclencheur énorme, j’ai collaboré avec Les filles et là ma vie de cuisinière a vraiment démarrée. Line Couvreur m’a tout appris, on a travaillé à deux pendant un an et demi. Le soir j’étudiais les recettes, je lisais beaucoup, je goûtais plein de choses. J’ai ensuite travaillé deux mois au Garage à manger et là le patron, un ami, m’a un peu mis à la porte en me disant “Tu vas arrêter de travailler ici, fais ce que t’as à faire.” Il a eu raison. Je me suis donnée deux ans et ça a marché. Donc maintenant je donne des cours de cuisine, fais du stylisme culinaire pour des magazines (So Soir tous les weekends, Femmes d’aujourd’hui, Délimag, bientôt Nest). Et il y a le blog évidemment. Tout se réunit parce qu’avec le blog je continue à faire de la photo. C’est très épanouissant. Je fais mes photos avec mon smartphone mais je m’en fiche en fait. Ce qui continue à m’exciter ce sont les couleurs, l’angle, la lumière. Ça me prend deux secondes. Raconter des histoires, comment parler du dernier film que j’ai vu en mangeant, etc.
Mon but maintenant c’est de continuer à donner les cours chez moi. Les gens viennent vraiment chez moi, dans ma vie et dans mon quotidien. De tutoyer les gens, de faire une newsletter qui est très privée fait que tous les gens qui viennent sont là depuis le début ou presque, ce sont des amis, des amis d’amis. Je reçois des gens qui pourraient être mes amis, c’est hyper gai. Pour moi c’est un grand plaisir et en plus ils me posent des questions auxquelles je peux répondre. Et comme je dois créer de nouvelles recettes toutes les semaines, c’est un vrai moteur!
As-tu une héroïne, un héros de la cuisine?
J’aime beaucoup la cuisine d’Ottolenghi, il fait une cuisine moyenne-orientale qui ressemble un peu à ce que je vous ai fait aujourd’hui. Mais je pense plutôt à des héros de films comme dans Big Night qui se déroule à New-York et où on passe la journée avec des chefs italiens qui préparent un grand repas, c’est magnifique. Un autre film que j’ai adoré aussi et que j’ai vu étant plus jeune c’est Le festin de Babette, il m’a beaucoup impressionné. Je trouvais ça beau, classe et chic d’être cuisinier. Si j’avais dit à 18 ans que je voulais être cuisinière, mes parents m’auraient dit de ne jamais faire ça.
Quel est le meilleur conseil cuisine qu’on t’ai donné?
C’est probablement Line Couvreur de “Les filles” qui m’a dit: “Crée, crée, crée!”. J’ai envie de dire aussi “Prends du plaisir et pense aux couleurs”. Tous les jours quand je cuisine je pense aux couleurs, j’essaye toujours de faire de beaux plats, on commence à manger avec les yeux. Il y a des plats que je ne mange jamais et que je n’aime pas du tout, ce sont les plats marrons: les carbonnades, les blanquettes, ça ne me parle pas. C’est peut-être mon côté photographe mais je pense qu’on a tous envie de manger du vert, du rouge, de l’orange. Il y a un livre qui est ma bible et qui s’appelle “Le répertoire des saveurs” écrit par Niki Segnit qui voulait savoir pourquoi et comment les chefs arrivent à construire des plats qui sont si bons. Elle a donc fait un panel de tous les goûts qui existent et leurs associations par deux ou par trois. Ce livre est génial, il y a des associations étonnantes. Tous les gens qui veulent cuisiner devraient avoir ce livre.
Maintenant, quand j’écris mes recettes pour les cours par exemple, je pense à des associations de saveurs que je n’ai pas testées avant, j’ai une intuition, j’ai mes catégories dans ma tête. J’en suis au stade où je joue avec les saveurs.
Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un pour l’encourager à manger bio, local et de saison?
Il n’y a rien de plus important, c’est tellement lié à tout. J’ai des choses chez moi qui ne sont pas biologiques mais si elles ne le sont pas, elles viennent d’un endroit que je connais.
Il y des gens qui disent encore “Je ne crois pas au bio” et ça me rend dingue, ce n’est pas une croyance, c’est une vérité, c’est une réalité! Sache ce que tu manges. Tu manges peu, tu manges bien, tu te sens bien. On mange beaucoup trop et beaucoup trop n’importe quoi. Et on sait tous que dans l’agro-alimentaire c’est horrible ce qu’il se passe, ce qu’on fait avec la bouffe est dégueulasse. Le bio maintenant est abordable et ce n’est pas un caprice. Il y a plein de solutions, je n’ai jamais vu une ville comme Bruxelles aussi facile pour l’alimentation, il n’y pas d’excuse. Il faut d’abord chercher dans son quartier, aller sur les marchés, être curieux, ça peut prendre du temps mais je me rends compte que ça rend heureux.
Ce qu’on achète devient précieux, on ne mange plus de la même manière que quand on faisait les courses au supermarché parce qu’on est plus respectueux des produits qu’on consomme.
Quel projet bruxellois voudrais-tu nous présenter?
J’ai un ami Italien, Alessio, qui a ouvert un restaurant il y a un an qui s’appelle 52 And The Secret Garden. C’est pour moi le meilleur restaurant à Bruxelles. C’est une cuisine italienne qui est dingue parce qu’elle est faite de choses simples. C’est tout et c’est rien. Ce sont des plats que tu n’as jamais mangé nulle part. Il a les mêmes valeurs que les miennes, il veut cuisiner petit et simple.
La recette (pour 4 personnes):
- 1 potimarron
- 300gr de riz rond mi-complet
- 1 grenade
- 1 botte de coriandre
- 200gr de feta
- huile d'olive
- sel
- poivre
- romarin sec
- origan sec
Sauce miso:
- 1 cuillère à soupe bombée de miso brun
- 1 noix de gingembre
- 1 gousse d'ail
- le jus d'un citron
- 2 à 3 cuillère à soupe d 'eau
Allumer le four à 180°.
Couper le potimarron avec la peau en tranches épaisses de 2 cm d'épaisseur.
Les déposer sur une plaque de four chemisée, verser un bon filet d'huile d'olive, une bonne pincée de sel, le romarin et l'origan sec et du poivre.
Enfourner 25 à 30 minutes, le temps que le potimarron soit fondant.
Cuire le riz selon les instructions de l'emballage, réserver.
Mixer tous les ingrédients de la sauce miso et la mélanger au riz chaud.
Ciseler la coriandre, égrainer la grenade.
Assembler le plat en versant le riz miso, les morceaux de potimarron, le feta émiettée, la coriandre et les grains de grenade.
Terminer en ajustant l'assaisonnement et en versant un bon filet d'huile d'olive.
Déguster chaud ou tiède.
Photos : Agustina Peluffo