Alma Sana: « Fabriquer ses produits soi-même intéresse tout le monde »

Automne 2018

Fabriquer ses produits d’hygiène et d’entretien soi-même? Mais si c’est possible et même très facile! Co-fondée il y a deux ans par Candice Enderlé et Nastassia Godeaux, l’asbl Alma Sana propose des ateliers ouverts à tous afin de réaliser ses propres produits ménagers et ses cosmétiques. Soucieuses de la provenance des ingrédients proposés, les deux associées mettent un point d’honneur à la recherche des produits les plus soucieux de l’environnement. Chez Alma Sana, on ne travaille qu’avec du local, du bio, du vrac, de l’éthique et tout ça dans la convivialité!


 

Quelle est la philosophie d’Alma Sana?
C’est la transmission d’un savoir-faire écoresponsable de manière amusante, conviviale, fédérante et motivante. Comme point de départ nous donnons des ateliers pour fabriquer ses produits cosmétiques et d’entretien parce que c’est ce qui nous a paru le plus évident à mettre en place par rapport aux connaissances qu’on avait. Mais l’idée est vraiment de faciliter la transition des gens dans leur démarche vers un mode de vie plus durable et/ou zéro déchet.

Comment fonctionne le projet?
On est une équipe de trois personnes dont deux donnent les ateliers. Les ateliers se font un peu partout à Bruxelles et en Belgique ,dans des lieux partenaires, des magasins, des épiceries, un magasin de savons, un café zéro déchet, etc. On donne aussi des ateliers lors d’événements et à domicile.

Un atelier c’est environ 2h, 2h30. On y fait trois produits cosmétiques ou d’entretien et à la fin, les participants ont la possibilité d’acheter en vrac tous les ingrédients avec lesquels ils ont travaillé, en plus de repartir avec une quantité généreuse de chaque produit réalisé.

Cet été on a lancé l’Alma Truc. Ce n’est pas un “truck” mais un “truc”, ce n’est pas un vrai petit camion mais c’est une remorque. L’idée est de faciliter la vente d’ingrédients via la proximité, via un contact direct sur les marchés ou sur les événements ou encore via les groupes d’achats solidaires avec la petite remorque qui sillonne les rues de Bruxelles. Le but est également de sensibiliser, on a aménagé l’Alma Truc de manière à ce qu’on puisse donner des ateliers et faire des démonstrations.

Tu es architecte d’intérieur de formation, comment es-tu passée de ce métier à Alma Sana?
Pour moi c’était clair depuis toute petite, je me voyais faire des conférences sur l’écologie car je trouvais que le discours en place était beaucoup trop compliqué et peu convainquant.

Je fais partie de la génération “il y a un trou dans la couche d’ozone”, ça m’a alarmé.

J’ai toujours voulu faire quelque chose mais je ne savais pas trop quoi ni comment, et parallèlement je voulais tout savoir faire moi-même. J’ai étudié l’architecture d’intérieur un peu dans cette optique-là et plus tard je me suis spécialisée en design et rénovation écologique. À la fin de ma première rénovation d’appartement faite avec des matériaux bio, recyclés, avec des systèmes constructifs presque démontables,… je me suis dit “Et maintenant je vais nettoyer cet appartement avec de l’eau de javel et des produits cracra? Non, ce n’est pas possible!” La lecture du livre “Cradle To Cradle” en 2006 a aussi été assez révélatrice pour moi. Donc tout ça s’est fait naturellement, j’ai commencé à faire mes produits d’entretien moi-même de mon côté.

Je rêvais aussi d’un lieu où je pouvais aller recharger des bouteilles de mes produits autant cosmétiques que d’entretien. Lors de mon séjour en Argentine, j’ai vu que ça existait mais avec des produits pas du tout écologiques.

En revenant en Belgique, j’ai participé à un weekend d’entrepreneurs axé sur le développement durable en me disant que j’allais y trouver des clients en tant qu’architecte d’intérieur mais je n’avais pas du tout compris qu’on pouvait y présenter une idée et qu’on pouvait pitcher à la fin des trois jours pour tenter de faire partie de l’accélérateur de start-up Greenlab. Au fur et à mesure du weekend je me rendais compte que cette vieille idée que j’avais en tête était valide, qu’elle correspondait tout à fait aux critères d’économie circulaire, de développement durable d’une entreprise et je l’ai donc présentée. C’est comme ça que j’ai été sélectionnée le dimanche soir pour commencer le mercredi après-midi un programme de 6 mois intensifs. Comme j’avais envie de développer ce projet avec une personne qui partage mes valeurs, j’ai fait un appel à partenaires sur Facebook tout simplement.

Quels sont les obstacles que peut rencontrer une personne débutante dans le zéro déchet?
C’est clair qu’en général les gens ne savent pas trop par où commencer. Je pense aussi que le terme “zéro déchet” fait un peu peur et n’est pas toujours très motivant. Je dirais que ce n’est pas toujours évident de comprendre ce que le terme veut dire. Nous proposons justement plein de ressources dans nos ateliers. Finalement il y a beaucoup de personnes  qui viennent dans nos ateliers qui font déjà plein de choses dans cette optique-là mais qui ne savent pas quoi faire de plus et où aller. C’est pour ça que pendant les ateliers, on passe une bonne demi-heure et souvent plus à expliquer ce qu’est le zéro déchet et comment y arriver.

En général, je propose aux participants de réfléchir pour la fin de l’atelier à quelque chose de plus à mettre en place chez eux. En voyant les autres qui font des petites choses, tout se multiplie à chaque fois.

Une personne partage le fait qu’elle utilise des cotons démaquillants lavables, et hop toutes les autres filles vont faire pareil . En dehors du fait de faire ses produits soi-même durant les ateliers, on donne plein d’astuces et de bonnes adresses. C’est un partage qui vient autant des participants que de nous les animatrices. C’est hyper riche et c’est un vrai coup de boost de voir ce qu’il se passe chez chacun, que ce n’est pas compliqué, que personne n’est parfait non plus et que ce n’est pas grave, ça se fait petit à petit.

Quel genre de personnes viennent à vos ateliers?
Il y a de tout! Il y a clairement une majorité de femmes qui participent à nos activités bien que les hommes soient de plus en plus curieux.  Il y a des jeunes, des moins jeunes, des grand-mères, des adolescents, parfois des enfants. On donne aussi des ateliers dans des écoles et les plus motivés sont les garçons. Ils sont comme des fous à fabriquer leur déo! C’est vraiment tout public et de tout environnement social. Comme c’est économique de fabriquer ses produits soi-même, ça intéresse tout le monde.

Est-ce qu’il y a des produits inédits qu’on peut retrouver chez Alma Sana?
Tous nos ingrédients font l’objet de recherches poussées dans le sens où ils viennent tous d’Europe, y compris leurs différents composants auxquels nous faisons particulièrement attention. On refuse absolument tout ce qui vient de plus loin afin de nous assurer une qualité et une traçabilité optimale. Par exemple, notre savon de Marseille est une exclusivité parce ce qu’il ne contient pas d’huile de palme et il a un prix abordable. Pour notre savon noir, on a insisté auprès du savonnier pour qu’il nous fasse un produit sans base d’huile de coco parce que la plupart des savons noirs en contiennent.

En soi, les ingrédients ou les composants venant d’ailleurs ne sont pas forcément mauvais mais il y a un transport derrière qu’on essaie d’éviter un maximum et on aime favoriser l’économie locale.

Ce n’est pas toujours évident mais on y arrive à 98%. Un autre critère de sélection de nos fournisseurs est qu’on puisse leur retourner les contenants. C’est assez inédit dans le sens où je ne pense pas que tout le monde fasse autant attention que nous à la provenance des ingrédients et qu’ils s’acharnent à convaincre leurs fournisseurs et fabricants de faire les produits d’une autre manière.

Quel est l’idéal vers lequel Alma Sana tend?
L’Alma Truc est la première matérialisation d’un lieu Alma Sana mais l’idée c’est qu’à long terme on puisse accueillir du monde, plein de monde. On aimerait aussi proposer d’autres activités et produits sous une même enseigne qui permettrait aux personnes de trouver des ressources économiques, écologiques et humaines pour viser toujours plus de gestes qui changent.

Illustrations: Tim Colmant