Worms, générateur de composts de quartier

Worms asbl Bruxelles

Tout le monde produit des déchets organiques mais tout le monde ne possède pas un jardin pour les composter. Née d’une initiative citoyenne, l’a.s.b.l. WORMS met en place des composts de quartier partout à Bruxelles, plus de 150 déjà! Non seulement elle crée des lieux de recyclage mais elle permet également de faire naître des lieux d’échanges, de partage et de discussions entre voisins. Mettre en place un compost de quartier, c’est diminuer le nombre de sacs poubelles, c’est éviter leur transport et leur incinération et c’est aussi créer un engrais écologique! Entretien avec Benoît Salsac et Pauline Talbot.


Comment est né Worms?
En 2006, j'ai suivi une formation de maître composteur et c'est là que j'ai découvert le monde du compostage. Je ne pouvais pas mettre en pratique ce que j'avais appris parce que j'habitais en appartement. Pendant la formation on nous a parlé du vermicompost mais nos formateurs ne savaient pas nous expliquer comment cela fonctionnait.

C'est alors que j'ai eu une prise de conscience : que deviennent mes déchets? Jusque là je pensais que mes sacs poubelle blancs étaient triés avant d'être incinérés! 160 000 tonnes de déchets organiques sont brûlés chaque année à Bruxelles.

Et je me suis rendu compte que quasiment la moitié de mes sacs blancs étaient composés de matière organique. Je me suis donc renseigné sur le vermicompostage. J'ai découvert que dans ma commune il y avait un site de démonstration de compostage qui n'était pas animé. J’ai proposé à la commune d’y faire un compost de quartier. Ce premier compost de quartier a très vite fonctionné parce que je n'étais pas le seul à vouloir composter mes déchets organiques. Beaucoup de gens venaient me demander comment ça fonctionnait et comment j'avais mis ce compost en place. Et c'est comme ça que j'ai créé Worms ! Au départ, c'était pour gérer ce compost et en aider d'autres à se mettre en place.

Qu'est-ce que Worms maintenant ?
C'est un ver de terre en anglais, c'est aussi l'acronyme de Waste Organic Recycle and Management Solution. Nos actions sont axées sur les composts de quartier, les composts collectifs, l'accompagnement en milieu scolaire pour l'installation de composts avec les élèves. On donne également des vers à compost, on vend du matériel, on donne des formations et on est sur le projet d'Opération Phosphore de recherche participative. Sur ce projet on collabore avec l'ULB, Schaerbeek, la région bruxelloise pour avoir une meilleure gestion de la matière organique à Bruxelles.
On veut rester à taille humaine, à une échelle citoyenne. C'est l'idée que chacun, à son échelle, peut faire quelque chose.

Si une personne veut une vermicompostière elle peut l'acheter en magasin mais elle peut aussi la fabriquer elle-même en allant chercher des seaux à la friterie.

Le message de Worms c'est que c'est accessible à tout le monde, on est ouvert à tout le monde. La plupart de nos formations sont gratuites, on ne veut pas que le prix soit un facteur discriminant.

On est aussi ouvert à d'autres solutions que les composts collectifs tant que ça reste à un niveau local. Pour le moment on suit de près un projet de micro-méthanisation à la Ferme du Parc Maximilien. On se rend bien compte que ce n'est pas via des composts de quartier qu'on va réussir à valoriser tous les déchets organiques de Bruxelles. Donc si on veut passer à une échelle supérieure on est obligé de passer par des systèmes qui sont aussi à une échelle supérieure. Mais tout en faisant attention à ce qu'il y ait le moins d'impact environnemental et que ça reste local.

Benoit Salsac Worms asbl

Si un citoyen veut lancer un compost dans son quartier, par quelles étapes doit-il passer ?
On va d'abord le renvoyer sur la carte des composts de quartier qui est sur notre site pour qu'il regarde d'abord s'il n'y a pas déjà un compost proche de chez lui. Il y trouvera le contact du gestionnaire du compost et pourra contacter ses voisins qui lui expliqueront comment ça fonctionne, parce qu'il y a des modes de fonctionnement différent selon les composts. Et s'il ne trouve pas de compost près de chez lui on va lui proposer de lancer un nouveau projet. Quasiment tout peut se faire gratuitement : avec des palettes on peut déjà lancer un compost. Il est aussi possible de demander un budget à Bruxelles Environnement.

La première étape est de trouver un terrain, l'idéal c'est qu'il y ait un accès à la terre. Il faut se renseigner pour savoir à qui appartient le terrain pour demander l'autorisation. Souvent c'est à la commune, parfois c'est à des privés ou à Infrabel pour ceux qui sont près des voies de chemins de fer, ou à la Région. Il faut que l'endroit soit facilement accessible mais pas trop visible.

Ensuite il faut réunir des voisins, être un groupe et ne pas porter tout seul le projet parce que sinon c'est trop lourd. Il faut aussi en informer les voisins avant même de mettre les bacs. On peut venir aussi sur place pour faire des séances d'information, pour rassurer certaines personnes qui pensent à tort que ça va puer, que ça va causer des nuisances, qu'il va y avoir des mouchettes. Il faut aussi bien communiquer sur le site de compostage, surtout si le compost est ouvert à tous. Il y a des affiches bilingues et des images qui sont téléchargeables sur notre site qui expliquent ce qu'on peut et ne peut pas mettre dans le compost. C'est bien que ce soit clair pour tous.

On peut aussi penser d'autres projets à côté du compost, ça marche bien pour attirer d'autres personnes : un potager, une boite à lire, etc. Ensuite il pourra nous contacter pour savoir ce qu'il faut comme matériel. C'est déjà bien d'avoir une fourche et une pelle.

Faire une inauguration c'est important aussi pour inviter tout le monde, inviter la commune qui prête le terrain.

Et puis l'idée du compost de quartier est de, en plus de réduire ses déchets, créer de la dynamique. Dans tous les projets qui sont à Bruxelles, on voit bien que ça crée des liens. Il y a une chouette ambiance, on fait des apéros.

Quels sont les challenges principaux une fois le compost lancé ?
C'est la bonne gestion du site de compostage et surtout le challenge est de garder la dynamique du groupe et de continuer d'impliquer les participants. Pas seulement pour apporter les déchets organiques, pour ça il y a plein de monde, mais de temps en temps venir retourner le compost, vérifier que le broyat est bien mis. Si chacun fait sa petite part c'est beaucoup moins de travail pour tout le monde.

Et l'autre difficulté est de se fournir en matière brune, en broyat. Nous on aide avec des sites de dépôt de broyat mais on ne peut pas livrer chaque compost en copeaux de bois. Ça reste un gros frein parce que souvent les gens ne sont pas motorisés. Le broyat est super important pour qu'il y ait du bon compost et ça permet d’éviter les mouchettes et les odeurs.

Worms asbl Bruxelles

Qu'est-ce qu'il manque à Bruxelles pour être une ville modèle en matière de gestion des déchets organiques?
Le problème est politique. Bruxelles Environnement (prévention des déchets, etc.) et Bruxelles Propreté (collecte et traitement des déchets, nettoyage des rues) sont gérés par deux partis politiques différents. Le PS a toujours géré Bruxelles Propreté et le CDH gère Bruxelles Environnement. Donc ce sont deux instances qui sont censées avoir le même discours mais qui n'ont pas la même politique. Leurs idées ne sont pas les mêmes à la base et chacun reste sur ses positions. L'opération Phosphore qu'on mène est un bon moyen de les mettre ensemble autour d'une table, avec nous qui sommes plus neutres au niveau politique. Une des premières choses qui a été faite avec l'Opération Phosphore c'est de faire une tournée de tous les cabinets politiques de Bruxelles en leur disant d'attendre avant de prendre des décisions, nous sommes en train de réfléchir à une meilleure gestion de la matière organique sur Bruxelles qui pourrait être créatrice d'emploi, plus écologique, plus écocirculaire. Les politiques doivent être bien conseillés et le fait d'être plus proches du milieu associatif et des gens de terrain leur permet de voir une autre réalité.

Est-ce que toutes les petites initiatives citoyennes peuvent faire changer notre politique de gestion des déchets ?
Au plus il y a de petits projets, au plus on devient grand et au plus on commence à avoir vraiment de l'importance.

Au tout début de Worms, il y avait quelques composts de quartier mais leur nombre était encore anecdotique. Maintenant on en compte plus de 150, Bruxelles Environnement voit que ça fonctionne et qu'il y a de l'intérêt. Chaque année une dizaine de nouveaux composts s'ouvrent.

Avec la nouvelle collecte de sacs oranges on pensait que les composts de quartier allaient perdre de leur intérêt auprès des gens mais ça a presque fait l'effet inverse ! Ces sacs ne sont pas récoltés assez régulièrement et les gens qui ont pris l'habitude de trier leurs déchets organiques se tournent alors vers le compost de quartier ou le vermicompost.

Evidemment, tout ça reste complémentaire. Il n'y a pas une seule solution, il y a plein de petites solutions qui sont toutes différentes et avec cette multiplication de petites solutions on pourra gérer globalement tous les déchets, c'est ce qu'on espère.
Avec Worms on n'a pas attendu les politiques, on n'a pas perdu notre temps. Avec les citoyens on a créé 150 composts, ça fait 400 tonnes de déchets organiques qu'on sauve chaque année.

Illustrations : Jean-Charles Frémont