Mangez-vous bruxellois? Permafungi est peut-être le producteur des pleurotes que vous avez mangées ce midi! Ce projet alliant agriculture urbaine et économie circulaire, recycle plusieurs tonnes de marc de café par mois afin de produire des pleurotes bio et locales. Nous sommes allées visiter leur atelier installé dans les caves de Tour & Taxis où nous avons discuté avec Elena Putiatina de résilience urbaine et de myco-matériaux.
Quel est le concept de Permafungi?
L’idée de base de Permafungi est de recycler un déchet urbain qui est le marc de café. On est parti du constat qu’il y vraiment une énorme abondance de ce déchet qui est gaspillé alors que c’est un matière très riche en nutriments.
Permafungi est une coopérative à finalité sociale. Nous sommes certifiés par la Région Bruxelloise en tant que tel parce que l’idée est de former des jeunes bruxellois sur la production de champignons de manière urbaine pour ensuite leur offrir un emploi durable et non délocalisable.
Le projet a trois activités principales: Eat, grow, learn: “Eat” c’est notre production de champignons. L’idée est de faire l’agriculture urbaine, de produire de l’alimentation bio, saine et locale.
“Grow” c’est la commercialisation des kits prêt-à-pousser. Le but est de sensibiliser le public à l’agriculture urbaine et de montrer que c’est très simple de cultiver des aliments à la maison. On a deux types de kits, l’un est vendu avec le substrat qui est déjà préparé, il suffit de l’ouvrir, de faire une incision, arroser et au bout de 10 jours les champignons sortiront. Le deuxième kit est le “Fungi Pop” où on a voulu aller plus loin dans l’idée d’économie circulaire et de permettre aux gens de tester le concept de l’économie circulaire en recyclant leur propre marc de café. Avec le Fungi Pop, on a la possibilité de recycler son propre marc de café tout en cultivant des champignons.
Et notre troisième activité “Learn” est la possibilité de partager nos connaissances avec d’autres personnes via les visites et les workshops que nous organisons. Pendant les workshops, on apprend aux gens à créer leurs propres kits de culture de champignons. On organise aussi des formations de 3 jours pour permettre d’apprendre concrètement comment se passe la production de champignons et la création d’une entreprise. Tous les points sont abordés, on y parle autant de points scientifiques sur la production mais aussi de points sur le budget et l’entrepreneuriat.
Concrètement, comment fonctionne Permafungi au jour le jour?
Le marc de café est récupéré à vélo tous les jours chez nos partenaires. Nos partenaires sont tous les restaurants de Belgique Le Pain Quotidien, les 10 Exki de Bruxelles et La Fabbrica qui est notre voisin à Tour et Taxis.
Nous recyclons 5 tonnes de marc de café et produisons 1 tonne de pleurotes par mois et tout ça nous permet de produire 10 tonnes d’engrais naturel qu’on distribue à la Ferme Nos Pilifs.
Le système que vous utilisez pour faire pousser vos champignons fonctionne-t-il seulement pour les pleurotes?
Tous les champignons ne poussent pas sur le marc de café, ils ont chacun leur préférence. Par exemple le champignon de Paris ne pousse pas du tout sur le marc de café, le shiitaké n’y pousse pas bien non plus. C’est pour ça qu’on a travaillé les pleurotes, pas parce qu’on voulait faire absolument des pleurotes mais parce qu’on voulait recycler un déchet.
Vous produisez également des abats-jours à base de champignons.
Oui, on a travaillé avec une designeuse, Caroline Pultz, c’est elle qui a amené cette proposition de fabriquer des myco-matériaux. C’est un projet qui est actuellement en cours de développement qu’on a appelé LumiFungi, ce sont donc des luminaires à base de champignons. Ce projet rentre dans la même optique d’économie circulaire, dans le but de réutiliser les déchets de notre production de pleurotes. Une partie de cette production est récupérée pour créer ces abats-jours. On prend donc le résidu qu’on va mettre dans un moule et on va y injecter un autre type de champignon qui est assez vigoureux et résistant. Ce champignon va se développer dans ce résidu, va le coloniser et va permettre de bien solidifier toute la matière. On va ensuite chauffer tout ça, la chaleur servant à bloquer la croissance du champignon.
Une de vos missions est de contribuer à la résilience urbaine de Bruxelles, peux-tu m’en dire plus?
C’est vraiment la mission de base du projet, c’est pour ça que c’est important de prendre en compte que Permafungi n’est pas uniquement basé sur la production de champignons. Pour expliquer le concept, la résilience urbaine est la capacité d’une ville à faire face à un choc extérieur comme le réchauffement climatique ou un choc intérieur comme par exemple le taux élevé du chômage.
Nous participons à la résilience de Bruxelles en produisant de l’alimentation bio, saine et locale qui est distribuée également de manière locale. Ensuite, on crée de l’emploi et on forme des jeunes à cette production. Et enfin, on limite l’utilisation de l’énergie fossile, c’est pour ça que toutes nos livraisons et collectes sont faites à vélo. Nous distribuons donc notre production de manière locale, essentiellement dans des magasins bios et quelques restaurants.
Nous organisons également des formations et des visites dans l’optique de contribuer à la résilience parce qu’on veut partager notre savoir.
Notre vision à long terme est de créer plein de champignonnières partout dans le monde en commençant par Bruxelles et d’aider d’autres personnes à se lancer dans ce genre de projet, que ce soit pour créer une petite champignonnière à la maison ou lancer vraiment une entreprise. Notre philosophie est “open source”, on partage volontiers notre savoir.
Cette année, le projet PermaFungi fête ses 5 ans, partez à leur rencontre ces 23 et 24 avril prochains ! Au programme : visites guidées d'une heure, concours, dégustations de pleurotes. Possibilité d'acheter des kits à champignons sur place. Toutes les infos sont sur la page Facebook de leur événement.
Photos: Agustina Peluffo