C'était un matin de novembre, il faisait froid. Quand Nina Bohluly nous a ouvert les portes de la Contrebande et nous a offert un thé, on s'est tout de suite senties comme à la maison. Pragmatiques et positifs, Nina et ses quatre associés/fondateurs de la coopérative Les évadés ont ouvert ce café en juin 2016 situé sur la place Fernand Cocq à Ixelles dans un ancien commissariat de police. On y mange bio et local, on y boit artisanal et depuis novembre 2016, on peut même y acheter bio en vrac de l'autre côté de la place, chez Stock, qui complète le projet de leur coopérative.
Quelle est la philosophie de la Contrebande?
On a appelé ce projet la Contrebande parce qu'on est une équipe, pas de bras cassés mais ce n'était pas notre boulot premier à tous. Guy est ingénieur du son et il a fait une formation de coiffure, Steph était dans la communication pendant des années, il n'y a que Hugues-Philippe qui vient vraiment de la cuisine, il a fait une école hôtelière mais avant ça il a étudié le graphisme et Julien, c'est celui qui a fait le plus d'Horeca dans sa vie, il en a fait pendant 10 ans un peu partout. Et finalement, on s'est tous un peu retrouvé là par hasard. La philosophie n'est pas que c'est ouvert à tout le monde mais c'est un peu ça ! L'état d'esprit c'est qu'on a un café et qu'on aimerait devenir un café normal mais avec des choix intelligents et des alternatives aux grandes marques. On n'a pas Coca-Cola, on n'a pas Jupiler, mais on a du Fritz Cola, etc. On fait des choix locaux, bio évidemment, pour la nourriture. Tout est presque bio, mis à part un certain nombre de bières qui ne le sont pas. On se voulait bar à bières aussi parce que la Belgique est le pays de la bière. Pour les bières, on est aussi dans le local, on sert vraiment des bières belges artisanales, on veut mettre en avant le savoir-faire des gens.
Pourquoi aller en chercher au bout du monde si on fait ça très bien ici?
Et surtout le nœud du projet c'est le magasin en vrac en face et avec lequel on essaye d'être zéro déchet. On récupère les invendus de chez Stock à la Contrebande ou bien Steph fait des tapas avec le surplus du midi qui sont servi le soir. Donc si quand le soir tu viens et qu'il y a des choses dans la vitrine, ce sont les surplus du midi. Avant de jeter, on espère vendre encore à moindre prix. C'est juste une démarche plus intelligente, moins basée sur le profit. Le café est fairtrade, le thé est bio et tout ça n'est pas forcément plus cher. En comparaison avec les prix des autres cafés c'est du kif-kif.
Le projet était d'abord d'ouvrir le magasin bio en vrac et le café ensemble, ça n'a jamais été dissocié. On avait déjà le local pour le magasin et comme ce n'était qu'un rez-de-chaussée on a créé trois niveaux. Pendant neuf mois on a démarché en proposant ce projet-là qui est un dialogue entre le magasin en vrac et le café. L'idée est qu'on soit le café de Bruxelles qui jette le moins. Le Dolma fait déjà ça, ce n'est pas nous qui avons inventé l'idée mais on a trouvé ça hyper logique. C'est un pas en avant dans notre démarche du zéro déchet.
Tu dis «bio évidemment», pourquoi «évidemment»?
Parce que je n'arrive pas à l'imaginer sans, ce n'est pas possible.
Les seules exceptions qu'on aura seront des produits de coopératives qui promettent du plus que bio sans la certification Certisys mais on croit en eux. Par exemple on a du cidre qui n’est pas certifié bio mais qui est plus que bio. Les pommes ont zéro traitement de pesticides, c'est une variété de pommes qui pousse très haut et si je me souviens bien ils replantent 1000 pommiers après 10 000 bouteilles vendues. C'est une logique qui nous plaît et c'est intelligent.
Je ne dis pas que le bio est intelligent, je pense qu'il peut y avoir du mauvais bio mais quand on ouvre un café ou un restaurant maintenant, je pense que la nouvelle logique est de se faire du bien plus seulement que par gourmandise mais aussi sainement.
Si tu veux faire tes courses dans un magasin tu as le choix du bio ou pas, tu fais ce que tu veux chez toi, mais je trouve que la logique devrait être que partout maintenant on puisse manger bio à l'extérieure et que ça soit démocratisé. L'étape d'après serait que chaque établissement propose aussi du végétarien et végétalien, bien sûr. Mais d'abord le bio, local et de saison, c'est pour moi le truc le plus logique du monde, qui est remis un peu à jour depuis deux, trois ans. Et c'est la logique de nos cuisiniers Steph et Hugues-Philippe de cuisiner de saison. La carte change tous les jours, toutes les semaines.
Vous sentiez qu'il y avait une demande dans le quartier de ce genre de commerce?
Oui, plus du magasin que du café. Il n'y a pas d'autres magasin en vrac dans le quartier. Il y a BelgoMarkt dont on entend beaucoup parler mais qui est une autre démarche. Nous, quand on parle de local, on prend vraiment un compas et on fait un tour autour de Bruxelles et s'il y a des choses à Lille, on va les prendre et on ne va peut-être pas aller en Ardenne, c'est le bout de la Belgique mais par rapport à Bruxelles, Lille est plus proche. (local=100 kilomètres à la ronde, ndlr). Pour Stock on essaye d'être local mais beaucoup de produits viennent des Pays-Bas, le vin est français, etc.
Comment fonctionne un bar/magasin en coopérative?
Pour le moment on est une coopérative de travailleurs donc chacun a une responsabilité et doit la gérer. On aimerait s'ouvrir aux clients et à tout le monde donc on doit finir d'écrire nos statuts. On restera les cinq décideurs du projet Les évadés, autant du magasin que du bar, et ensuite qui vient peut donner son avis. Il y a une assemblée générale une fois par an. Tous les coopérateurs ont une réduction au magasin et au bar. L'idée est d'investir de l'argent et de donner son avis. C'est pour les gens qu'on crée ce café, si on ne s'écoute que soi, ce n'est pas marrant.
Avez-vous un idéal vers lequel vous tendez? Ou un projet idéal que vous connaissez déjà auquel vous vous référez?
Personnellement j'aime bien La Tricoterie qui organise beaucoup d’événements, c'est un peu comme une grande famille, je ne sais pas si on arrivera à s'organiser aussi bien qu'eux. À part le côté culturel qu'on veut mettre en place dans la salle arrière, on a plus ou moins abouti notre projet. Je n'ai pas d'idéal vraiment, je voudrais juste qu'on soit ouvert du matin au soir comme un café basique, pour l'instant on n'ouvre qu'à 11h30, j'aimerais vraiment qu'on soit le café de quartier, c'est notre objectif à tous. Et si d'autres gens veulent avoir ce même genre de projet ailleurs tant mieux. On est le seul café alternatif de la place. On aimerait que les gens changent un peu leurs habitudes et pour l'instant on a pas mal de fidèles qui viennent plusieurs fois par semaine ou plusieurs fois par mois pour manger les lunchs. Comme on publie le menu de la semaine le lundi, ils savent quel jour venir.
Contrebande: Place Fernand Cocq, 6- 1050 Ixelles
Ouvert du lundi au dimanche de 11h30 à minuit
Photos : Agustina Peluffo