Fabrik, déclencheur urbain

Hiver 2018

Comment faire de la ville un endroit plus convivial ? Au coeur de Saint-Josse, la commune la plus petite de Bruxelles, Fabrik travaille autour de cette question. Ateliers participatifs, conseils en rénovation et soutien aux initiatives locales sont quelques exemples de leurs activités. De manière transversale et toujours par une démarche participative, Fabrik crée, à l'aide des citoyens, de nouvelles dynamiques pour mieux habiter l’espace urbain et faire de la ville un lieu où tout le monde se sent bien. Rencontre avec l’équipe de Fabrik.


Quelles sont les activités que vous développez?

On travaille sur deux axes. Il y a d’abord l’amélioration du bâtiment; on conseille sur la rénovation et on répond à des questions par rapport à l'énergie et la gestion de l'eau. Et en même temps, on développe un autre axe autour de la participation citoyenne: on soutient les projets des habitants et on vient en appui à des dispositifs qui existent déjà, par exemple pour les contrats de quartier. Nos missions sont les mêmes que celles des autres associations du Réseau Habitat mais on les met en oeuvre un peu différemment, dans une approche plus organique et expérimentale; on essaie de sortir des "classiques" que sont les stand, les toute-boîte, etc.

Fabrik est super dynamique, quelle est votre recette?  

On a deux chances: on est d’abord une équipe bien soudée et on a des expertises qui se complètent très bien. Notre conseil d’administration nous soutient aussi énormément dans les activités qu'on a envie de développer. On arrive à combiner des projets qui sont en lien avec les missions de l'a.s.b.l. et avec notre propre vision. On travaille pour faire évoluer les pensées autour des thématiques liées à la ville qui nous tiennent à coeur. Et à la fois, notre mentalité évolue aussi à chaque projet.

L'équipe actuelle a commencé à travailler ensemble il y a 4 ans. On est arrivé au moment où l'a.s.b.l. cherchait à se restructurer. Depuis, on développe une vision de la ville qui inclut plusieurs aspects qui vont de la rénovation du bâtiment à la participation citoyenne. C'est cette transversalité qui se retrouve dans la ville au quotidien qui nous intéresse, ce dialogue de domaines d'actions complémentaires (pédagogie, santé mentale, écologie sociale, culture, architecture, éducation permanente, urbanisme, mobilité, etc.).

Et quel est votre projet phare?

Les projets qu’on développe dans les écoles. On collabore souvent avec des écoles pour créer une action ou un projet dans la cour de récré qui questionne le rapport à la ville et l'environnement et qui permet de favoriser l'appropriation et la valorisation de l'école par la mise en place d'ateliers de co-conception et co-construction qui stimulent les envies et répondent aux besoins du lieu.

On a aussi le projet autour de ce qu'on appelle un squelette urbain où on travaille sur l’idée de lieu. Comment on peut, à l’aide des différents partenaires, créer des dynamiques locales. On fait des repérages des espaces vides ou abandonnés, d’éléments urbains en potentiel pour les réintégrer dans la ville.

Un exemple de projet en école est le château d’eau, comment est né ce projet?

Avec un projet autour des citernes qui était porté par l'ancienne équipe. L'idée était de sensibiliser sur l'utilisation de l'eau de pluie. C'était une action dans le cadre d'un contrat de quartier où il y avait eu un repérage qui avait été fait des vieilles citernes dans le quartier. Une fiche avait été faite pour expliquer aux gens qui ont une citerne installée chez eux comment s'en servir et comment la rénover. Quand on s’est greffé au projet, on a changé l'approche et on l'a conçu, réalisé et développé avec le château d'eau. Il est démontable et transportable pour nous permettre de l'emmener dans des écoles et discuter avec les enfants sur la problématique de l'eau de pluie.

Hiver 2018

Le cabanon de monsieur Hulot, qu’est une autre de vos actions, me fait penser au vélo du Kiosque à graines, est-ce qu’ il sert aussi à des animations pour faire des potagers?

Pas vraiment. La dynamique avec le cabanon est de mettre à disposition du public un outil pour qu'il travaille de manière autonome. Cet outil est une réflexion inscrite dans une thématique plus générale sur la ville. On essaie de créer une expertise autour de la végétalisation de l'espace public dans le milieu urbain, mais pas tellement pour le développement des potagers. Pour le moment il y en a plusieurs projets autour de la végétalisation de la ville, comme le Kiosque à graines notamment ou les Incroyables comestibles. On trouve que tous ces projets sont complémentaires, on a des approches différentes et c'est intéressant de voir comment on les fait évoluer.

Avez-vous déjà créé des projets où vous sentiez que les habitants étaient réticents?

Pas vraiment réticents mais on se rend compte que parfois on a des visions différentes de la ville et ce n'est pas toujours évident de voir l'intérêt collectif. On trouve important d'avoir un partage des expériences personnelles et des vécus, que les habitants puissent s'exprimer et dire comment c'était avant. Mais ce n'est pas toujours évident pour les habitants de faire un compromis et l'idée n'est pas non plus d'avoir une idée molle, mais de faire émerger de différents avis une idée de groupe qui fait sens.

Pouvez-vous nous expliquer le concept de déclencheur urbain?

L'idée de l'action du déclencheur urbain est de mener une réflexion sur les différents espaces de la ville. Que ce soit l'espace public, dans des écoles ou ailleurs, ce qui nous intéresse est de sensibiliser sur l'importance d'agir pour améliorer le bien-être de tous.

Parfois les habitants ne pensent pas que leur opinion va être prise en compte. Il y a beaucoup de gens qui ont du mal à croire qu'on peut être une force si on se rassemble pour agir.

On a quelque part un rôle social, pour une partie des habitants on est une sorte de relais dans le quartier pour parler de certaines questions. Tout ça s'est développé avec le temps et nous a amené à nous questionner aussi: « Qu'est-ce qu’on fait en tant qu’habitant de notre ville? À quel point est-on impliqués dans la vie de nos quartiers? » Parfois on attend des habitants un investissement assez important, alors que nous-mêmes ne prenons peut-être pas le temps.

Est-ce que Fabrik aurait eu une autre identité ou peut-être une autre approche si elle avait été créée dans une autre commune?

Je crois que les projets sont adaptables à plein d'endroits, à d'autres communes, mais c'est clair que le contexte local et le territoire sont importants à connaître. Les réseaux sont différents partout et ces contacts sont nécessaires pour rendre les choses possibles.

Mais c’est vrai que si on avait travaillé ailleurs, il y aurait des questions qu'on n’aurait jamais posées. Il y a des communes où les habitants sont plus réceptifs aux activités qui se passent dans leur quartier. On n'aurait pas mis en place les mêmes outils ou les mêmes réflexions.

Vous travaillez énormément sur des sujets liés à la ville, même la santé mentale!

Oui! C'est via un de nos partenaires qu'on a touché cette problématique. Ce qui nous intéresse à Fabrik c'est de travailler de manière transversale le sujet de la ville pour essayer de créer un lieu où tout le monde se sentira bien.

Dans cette opportunité, on était parti sur la question qu'est-ce qui « fait  soin » dans nos villes? Ça nous a permis un peu de dédramatiser et de pouvoir parler des thématiques qui parfois sont très complexes ou qui peuvent faire peur, comme la santé mentale. L'idée était d'aller un peu plus loin des clichés autour de la santé mentale et de co-créer un espace en partenariat avec des associations dans le domaine de l'éducation.

Est-ce que Bruxelles est sur la bonne route pour devenir durable?

Si on s'en tient aux initiatives citoyennes qui se développent depuis quelques années c'est clair que ça décolle et c'est super positif. Il se passe plein de choses et ça permet de faire bouger les politiques. C'est aussi important de se rendre compte qu'il y a beaucoup de choses qui ont été faites aussi, l'idée n'est pas de tout réinventer mais de pouvoir se nourrir de l’expérience des autres pour proposer quelque chose. Après il faut le dire... on est qu'au début.

Illustrations : Jean Charles Frémont