Hiver 2017-2018

L’herboristerie de Louise ou l’importance des échanges

Louise Dimanche a toujours voulu faire des arts et des sciences et c’est avec son herboristerie qu’elle est arrivée à compléter ses passions. Sa boutique est un « lieu d’échanges et de partage, où l’on privilégie l’écoute et les conseils, histoire de prendre mieux soin de soi et de sa santé ». Elle nous raconte tout à propos de sa démarche et nous apprend aussi au passage quelques particularités des produits qu’elle propose. Entretien


 

Hiver 2017-2018

Comment décris-tu la philosophie de l'herboristerie?

Ce n'est pas seulement une herboristerie, c'est plein de choses ! Je voulais créer un espace de rencontres et d'échanges. Je voudrais vraiment que le magasin soit un point d'ancrage avec plein de disciplines alternatives qui se croisent. On peut y  trouver le contact d’un kiné, d’un ostéo, on trouve aussi des réponses par rapport à l’acupuncture, par exemple. Depuis le début, je travaille avec les thérapeutes du coin, avec qui j’ai des échanges super intéressants.

Concernant l’herboristerie, l'idée est de travailler le plus possible avec des fournisseurs locaux, de Bruxelles ou de Belgique en général. Mais, je m'étale aussi un peu en France et en Allemagne parce qu'il y a des produits qu'on ne trouve pas en Belgique.

Souvent, je travaille avec des petits fournisseurs que je découvre petit à petit, ou qui passent à la boutique ou que des clients me recommandent. Comme Barbe Verte ou Habeebee, qui fait des produits à base de produits la ruche.

J'ai également commencé à travailler avec une nouvelle savonnière bruxelloise qui est super chouette, Alinessence. Je lui ai expliqué que j'avais du mal à trouver un savon de Marseille sans huile de palme, que j'avais contacté une dizaine de fournisseurs et qu'ils en ajoute tous dans leur savon. Et elle m'a tout simplement proposé d’en fabriquer pour la boutique avec la recette traditionnelle. C'est génial!

Un autre aspect de ma philosophie est l'économie circulaire. Mon rêve serait qu'un client qui achète chez moi une huile essentielle me ramène ensuite la bouteille vide, pour que je la renvoie au fournisseur pour qu'il la remplisse et la remette après dans le circuit de vente. Mais c'est très difficile d'installer cette dynamique-là.

Qu'est-ce qui pose le plus de difficultés pour installer cette dynamique?

Pour le moment, il y a un blocage au niveau des fournisseurs parce qu'il n’y en a aucun qui a développé ce système. Quand j'ai reçu la bourse pour me soutenir au niveau de l’économie circulaire, on m'a dit que l'important c'était d'avoir la démarche, que ça se développe mais que ça prend du temps. Plus il y aura de projets qui travaillent en économie circulaire, plus les fournisseurs feront le pas vers ça et vont se dire que récupérer leur cartons et faire stériliser leurs fioles leur fera des économies.

C'est très frustrant parfois, car au final je peux pas vraiment faire du zéro déchet parce que tout ce qui est alimentaire, cosmétique et dans le domaine de l’hygiène a des normes qui empêchent de distribuer tel et tel produits en vrac. Évidemment, il y a des aspects très logiques: certains produits s'oxydent très vite comme la Spiruline. J'essaie le plus possible de passer par des fournisseurs qui utilisent des emballages biodégradables ou les plus propres possible, et parfois je ne commande pas un produit si le packaging ne me convient pas et qu'il n'existe pas en vrac.

Les dialogues et les échanges avec tes clients sont très importants pour toi.

Oui, d'office. C'est super important de s'exprimer. On vit dans une société où on développe beaucoup la communication par les réseaux sociaux, mais j'ai l'impression que les gens sont de plus en plus en demande de contact. Parfois, il y a des clients qui s'étonnent que je leur demande comment ils vont.

Dans ma démarche, il y a une partie qui n'est pas toujours comprise. Par rapport aux plantes médicinales, il y a des gens qui ne comprennent pas pourquoi je n’ai pas du lapacho. Je ne veux pas vendre de plantes qui viennent du Nicaragua ou du Mexique parce que je considère que les plantes qui poussent chez nous, nous correspondent mieux et qu'elles nous apportent ce dont nous avons besoin. Je n'ai pas non plus envie de commander un produit qui vient de super loin et dont je ne connais rien sur les conditions de production. C'est un parti pris qui n'est pas toujours évident. C'est pour ça que c'est très important de communiquer et d’expliquer ma démarche aux clients.

Que penses-tu des connaissances des gens à propos de l'utilisation de produits naturels?

Souvent il faut rediriger. La phrase que j'entends le plus c'est que les plantes médicinales sont sans danger et que donc on ne peut pas se tromper dans les dosages. Et avec les huiles essentielles c'est pareil.

Il y a un travail de sensibilisation à faire. Par exemple, l'huile essentielle de menthe poivrée, est une des plus connues pour traiter les migraines mais, en fait, si on se tartine les tempes de cette huile cinq fois par jour, elle peut avoir un effet inverse et ne plus fonctionner. Elle peut même relancer des migraines, parce qu’elle est neurotoxique. Elle va avoir un effet apaisant sur le début mais à forte dose elle s'inverse.

Je n'ai pas le droit de faire de diagnostiques et de dire aux gens quoi prendre mais j’amène une idée, j'explique, je parle des contre-indications et des propriétés et j'ai pas mal de livres pour m'aider ou soutenir mes conseils.

Avec les dilutions des huiles essentielles c'est la même chose. Il y a en moyenne 23 grammes de plantes concentrées dans une goutte d'huile essentielle, ce qui est énorme. Donc la quantité de gouttes à mettre dans une recette dépend à chaque fois de l'utilisation, si c'est pour ingérer ou pour appliquer sur la peau. Ou bien si c'est pour diffuser car il y a des huiles qu'on ne diffuse pas du tout parce qu'elles sont neurotoxiques. Il faut aussi savoir qu'on ne diffuse pas plus d’une demi-heure.

Que penses-tu du phénomène actuel des ateliers DIY?

Pour moi, l’intérêt des ateliers DIY c'est qu’une personne compétente va sensibiliser à la correcte utilisation de certains produits à une personne qui est là pour apprendre. Celle-ci va apprendre, par exemple, que le bicarbonate de soude peut rayer l'émail des dents quand il est utilisé dans une recette de dentifrice. Par extension, elle le racontera à ses proches qui le raconteront à leurs proches et c'est ça que je trouve génial ! La transmission !Évidemment, il faut tomber sur le bon conseil. Mais je fais hyper attention aux personnes que j'invite pour animer les atelier DIY, je cherche à ce qu'ils aient la même vision que moi et qu'il soit connecté avec le projet.

Y a-t-il un chouette projet à Bruxelles que tu aimerais partager avec nous?

Il y en a plein! Tous les projets en rapport à l'économie circulaire, comme Lili Bulk qui est un site de vente en ligne de produits en vrac. Ce projet est totalement dans l’économie circulaire. Sinon j'aime beaucoup les magasins Super Monkey, Almata ou Stock , nous faisons des commandes en communs, des mutualisations, pour ne pas payer de frais de port et que le camion de livraison fasse seulement un voyage et pas deux. On fait très attention à ce qu'on commande et on essaie d'être complémentaires dans nos démarches, c'est vraiment génial et la communication est parfaite.

Ce sont tous les liens qui se créent autour de ce type de projet que j'adore.

L’herboristerie de Louise est ouverte le lundi de 14h à 20h et du mardi au samedi de 10h30 à 18h30. Vous la trouverez à Saint Gilles, avenue Paul Dejaer n°13.

Photos : Agustina Peluffo