Hugues-Philippe, du graphisme à la cuisine
La cuisine n'a jamais vraiment été une tradition familiale chez Hugues-Philippe Desrosiers. Après ses études de graphisme à l'ERG en 2010, il commence un petit boulot dans une pizzeria. Au premier jour de ce nouveau travail, alors qu'il avait pour habitude de disposer les tranches de jambons bien alignées et bien symétriques sur la pâte, son chef lui apprend à créer des pizzas «déconstruites», à penser en trois dimensions et à déchirer le jambon. Il connaissait les pizzas surgelées toutes plates mais n'avait encore jamais pensé que les pizzas pouvaient avoir ce volume et cette importance visuelle. Il retrouve alors le plaisir visuel du graphisme avec le travail manuel du cuisinier. Très vite, il se passionne et s'inscrit à une formation hôtelière à Namur. A présent, chef cuisinier à la Contrebande, il nous a ouvert les portes de son appartement bruxellois pour le plus grand bonheur de vos papilles.
Quel est ton repas préféré de la journée?
Le petit déjeuner. J'aime bien manger épicé au petit déjeuner, du poisson, quelque chose de gras, je peux manger n'importe quoi. Si j'ai le temps, je me prépare un énorme repas et ça me va très bien, je suis parti pour la journée.
Quel est ton idéal dans la cuisine? As-tu des modèles?
J'aime les classiques revisités. J'aime par exemple le travail de René Redzepi du restaurant Noma. Sa cuisine est typiquement ce que j'aime, c'est quelqu'un qui connaît à la perfection les recettes traditionnelles scandinaves. Il les connaît tellement bien qu'il connaît aussi des recettes que personne d'autre ne connaît de son propre terroir.
C'est à dire qu'il connaît toutes les racines, les plantes, les écorces, il connaît tout ce qui peut se manger dans une forêt.
Et du coup, tous ces ingrédients que personne ne connaît il va les chercher et les met dans son assiette. C'est donc une cuisine de terroir très poussée mélangée avec une technique très moderne. Il travaille avec tout ce que la cuisine contemporaine a amené, il travaille avec des restes de la cuisine moléculaire mais finalement dans son assiette ce n'est pas ça qui ressort, c'est surtout mettre en avant les produit locaux.
Chez les cuisiniers belges j'aime bien Peter Goossens de Hof Van Cleve, je trouve que c'est quelqu'un qui revisite aussi des classiques de la cuisine belge. Mais ce n'est pas la même chose que la cuisine de René Redzepi. Peter Goossens fait plutôt une cuisine traditionnelle revisitée en cuisine gastronomique alors que Noma fait une cuisine de terroir qu'il fait redécouvrir au public.
Un autre chef que j'aime bien, même si je ne connais pas trop ce qu'il fait au niveau gustatif mais l'esthétique de ses assiettes me plait beaucoup, même si beaucoup de chefs vont dire que l'esthétique des assiettes est secondaire, c'est Jordan Khan du restaurant Red Medicine à Los Angeles. J'adore ses assiettes parce qu'on dirait des échantillons de morceaux de forêt, elles ressemblent à des petits jardins japonais. Il met en valeur des produits oubliés et la nature dans l'assiette. Ses assiettes racontent quelque chose, elle sont assez poétiques.
En parlant de la nature dans l'assiette, tu avais suivi une formation sur les plantes sauvages comestibles, non?
Oui, j'en ai faite une avec Horeca Formation qui propose des formations gratuites adressées aux professionnels.
On nous a présenté quelques plantes qui sont communes ici en Belgique et comestibles, comme la bourrache, l'agastache, la capucine, la consoude, l'ortie, l'ail des ourses, les tagetes, les fleurs de cosmos, etc. Il y a en énormément et elles poussent un peu partout.
J'ai fait cette formation pour suivre un peu la démarche de René Redzepi. Je n'en suis pas encore au point de prétendre que je puisse faire ma propre cueillette moi-même et ne cueillir que les bonnes choses. J'aimerais avoir dans mon entourage quelqu'un qui s'y connaisse et qui puisse me guider.
Comment te vois-tu au niveau de la cuisine dans le futur?
J'aimerais arriver à une cuisine personnelle qui parle de moi mais aussi du milieu dans lequel je vis et qui soit consciente des enjeux de ma génération. Le rêve serait d'ouvrir un restaurant et de faire une cuisine qui soit la mienne. Mais je ne me sens pas encore assez expérimenté pour le faire ni assez friqué! Mais j'imagine qu'un jour ça viendra!
La recette (pour 6 personnes):
Les “bouchées croquantes”
- 150 gr de quinoa rouge
- 150 gr d’orge
- 1 oeuf
- 40 gr de farine
- Sel et poivre
Mélanger le tout à la main et le verser dans un plat (type pyrex ou plat à gratin) bien huilé. Presser la préparation afin qu’elle tapisse bien le fond du plat. Enfourner 10 min à 180 °C.
Dans une poêle à frire bien creuse ou une friteuse, faites chauffer un grand volume d’huile d’arachide. Réaliser des petites boulettes du mélange cuit et les plonger dans l’huile chaude avec un écumoir. Une fois les boulettes colorées, les sortir toujours avec l’écumoir.
Les pickles de fenouil
- 1 fenouil entier
- 200 gr de vinaigre de vin blanc
- 300 gr d’eau
- 100 gr de sucre
- 1 pincée de sel
- 2 feuilles de laurier
- 2 clous de girofle
Verser dans une casserole l’eau, le sucre, le vinaigre, le laurier, et les clous de girofles. Porter à ébullition cette marinade. Pendant ce temps trancher le fenouil à la mandoline, (pas de panique, si vous ne disposez pas de cet ustensile essayer de couper le plus finement possible sans vous couper un doigt, merci). Réserver dans un bol.
Dès que la marinade bout, verser le tout sur le fenouil tranché. La marinade va cuire un peu le fenouil tout en le gardant croquant et vous pourrez le conserver quelques jours.
La farce au chèvre
- 400 gr de chèvre frais (2 bûchettes)
- 1 poignée de sommités d’aneth frais
- Poivre
- Fleur de sel
- 1 trait d’huile d’argan (ou huile d’olive)
Ecraser à la fourchette le chèvre et épicer à votre guise, mélanger.
“Vous pouvez tout de même l’épicer comme vous le souhaitez, mais moi j’aime bien garder un goût anisé en ajoutant de l’aneth. Je trouve que ça se marrie bien avec la betterave.”
La pâte à crêpes de betterave
- 1 kg de betteraves cuites et mixées
- 150 gr de farine de riz gluant (ou maizena, fécule de maïs)
- 200 gr de farine de froment
- 20 gr d’huile d’arachide
- 50 gr de vinaigre de vin rouge à la framboise
- Sel et poivre
- 300 gr d’eau
Ajouter à la purée de betterave, la farine tamisée. Délayer le tout avec l’huile pour donner de la souplesse et mixer.
Astuce pour la cuisson des crêpes
Prendre un carré de papier cuisson, le plier en 4. Le mettre au dessus de la poêle et prendre le tour puis découper. Le faire deux fois. Etaler de l’huile et poser la feuille dessus, remettre de l’huile, et étaler une louche de pâte à crêpe de betterave et aplatir avec le dos de la louche afin de former un rectangle (c’est plus facile qu’en rond pour les rouler ensuites et plus esthétique aussi). Une fois que la cuisson a pris, poser la seconde feuille dessus et avec deux spatule retourner la crêpe. Quand la crêpe se décolle facilement du papier, sortir du feu.
Le roulage de crêpes
Peler des oranges impériales et les découper en petits morceaux. Mettre la crêpe sur une assiette avec du papier cuisson de préférence afin que le roulage se fasse plus aisément. Puis ajouter la farce au chèvre, le fenouil, les oranges et les bouchées craquantes. Si vous avez 3 petits fleurs de scaroles, c’est encore mieux. Et si vous saupoudrez le tout de raifort rapé, c’est l’apothéose. Rouler le tout à l’aide du papier. Dresser sur une assiette.
Bon appétit!
Photo : Agustina Peluffo