Dans la rubrique 24H, nous invitons des producteurs du Réseau des GASAP Bruxellois à partager avec nous leur quotidien à l'aide d'un appareil photo jetable.
Mobilisé par une recherche personnelle, David S’Jongers s’approche de la nature et fait un changement de métier. Depuis 2015 son projet de maraîchage de petite surface lui permet de retrouver les valeurs qui lui sont précieuses: la création et la solidarité. Entretien.
Souvent, au sein du Réseau des GASAP nous nous demandons si notre modèle tient la route. Est-il vraiment à même de soutenir les démarches d'agriculture paysanne ? Une relation comme celle que nous avons avec David nous montre que, si tous les objectifs ne sont pas atteints, nous y arrivons au moins en partie.
David s'était lancé dans un projet personnel : faire du maraîchage à sa manière, à son échelle. En cherchant des débouchés, il est tombé sur un GASAP de Schaerbeek par une connaissance. Quand David a montré ses plans de développement à son premier GASAP, ses membres se sont mobilisés dans leur quartier pour créer un deuxième groupe. Pour quelqu'un qui se lance, la dynamique de soutien peut faire la différence.
Manger peut donc devenir un acte non seulement agréable, mais aussi de soutien à la réalisation des rêves d'une personne.
Florian Delespesse, réseau des GASAP Bruxellois.
-Il paraît que tu as fait des études artistiques ?
- Oui, j’ai d’abord étudié la peinture aux Beaux-Arts de Namur et ensuite je suis allé à l’école d’art le Septantecinq. Mais je préfère le maraîchage.
-Comment es-tu passé de la peinture au maraîchage ?
- On sortant de mes études de peinture j’étais un peu perdu. Je n’avais pas envie de me lancer et de me battre pour me faire connaître un peu. Je trouvais le milieu froid, les galeries ne me donnaient pas envie. Je voulais autre chose. Je me suis donc orienté vers une formation de guide nature, qui était assez intéressante, mais un peu légère. Je ne voyais pas comment en faire un métier.
Je faisais des petits boulots à droite et à gauche sans trop savoir ce que j’allais faire. Et puis un jour, j’ai vu dans le journal une annonce du Début des Haricots recherchant des ouvriers stagiaires pour une ferme urbaine. Dans le descriptif de l’annonce, il était expliqué qu’on allait faire de l’apiculture, de la traction animale pour cultiver différentes variétés de légumes en biologique. Ça m’a tout de suite parlé et j’ai postulé. C’était une formation par le travail, un PTP (programme de transition professionnel).
J’ai été engagé et j’ai commencé à travailler en février sur un terrain en friche. Je me suis posé pas mal de questions : Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? Ça va être très prenant. Ça me faisais un peu peur.
Mais au bout de quelques mois on a monté les serres, les potagers en bois. On a eu les premières récoltes et c’est à ce moment que le déclic s’est vraiment fait.
Je me suis rendu compte que c’était un truc que j’allais pas lâcher, que j’adorais ça. Je suis toujours en formation professionnelle. J’apprends énormément. Se retrouver tout seul sur le terrain... il faut du temps pour arriver à être réaliste et savoir ce que tu peux faire et comment tu vas le faire. Je suis souvent surpris par la réalité. En général, c’est plus dur que ce que j’avais imaginé.
Je travaille dans la nature avec la nature. Il y a une dimension esthétique dans le maraîchage qui m’a aussi beaucoup attiré et donc je reconnecte, dans un sens, avec la peinture. Le manque de sens que je ressentais par rapport à la peinture, je l’ai trouvé dans le maraîchage. Et puis c’est aussi une manière de mettre notre société en transition.
- Comment t’es-tu retrouvé à Grez-Doiceau?
Totalement par hasard. Ma copine avait trouvé un endroit pas très cher dans les bois et on est parti s’installer là-bas. Lors d’une projection de films organisé par Grez en transition, j’ai rencontré le fermier Hubert del Marmol qui connaissait mon parcours et savait que je cherchais des terres et il en avait justement à louer. J’ai donc trouvé un terrain tout près de la maison et totalement par hasard, avec une source d’eau.
Ce n’était pas prévu ! C’est très difficile de trouver des terrains à louer dans le Brabant Wallon. J’avais des petits morceaux de parcelles à droite et à gauche mais pas assez pour me mettre à faire du maraîchage, juste de quoi m’amuser un peu.
Et comme je finissais un contrat dans le magasin bio où je travaillais et que j’allais donc devoir retourner au chômage, toutes les conditions s’étaient réunies pour que j’accède à la couveuse d’entreprises (dispositif d’accompagnement de création d’entreprise). Avec ce dispositif, pendant deux ans mes allocations de chômage n’ont pas été diminuées et on me prêtait un numéro de TVA. Tout s’est bien mis : la couveuse, le terrain...
Et comme je finissais un contrat dans le magasin bio où je travaillais et que j’allais donc devoir retourner au chômage, toutes les conditions s’étaient réunies pour que j’accède à la couveuse d’entreprises (dispositif d’accompagnement de création d’entreprise). Avec ce dispositif, pendant deux ans mes allocations de chômage n’ont pas été diminuées et on me prêtait un numéro de TVA. Tout s’est bien mis : la couveuse, le terrain...
- Ta copine travaille avec toi ?
- Oui, un jour par semaine elle vient m’aider. Mais elle est surtout fromagère. Elle a aussi fait des études artistique mais dans un autre domaine, le théâtre.
Il y a beaucoup de personnes qui sortent des études artistiques et qui s’orientent dans des métiers comme les nôtres. Il y a un lien quelque part. Il y a un aspect créatif. C’est la vraie création.
Et puis je crois aussi qu’on se perd vite dans l’artistique, surtout à l’heure actuelle. On est à la recherche de sens. Maintenant on cherche un terrain pour s’installer à long terme et surtout avoir un endroit où on peut prendre des décisions, on veut arrêter de louer. On aimerait pouvoir planter des arbres, des arbres fruitiers, etc.
- Comment as-tu commencé à travailler avec les GASAP?
- J’ai commencé début mars 2016. On a intégré un groupe parce que ma copine Manon connaissait un des membres qui voulait changer de producteur. On a alors distribué des tracts dans le quartier, on a communiqué au sein du groupe et on a réussi à rassembler assez rapidement une quinzaine de personnes pour ouvrir un deuxième GASAP. Tout s’est passé très vite ! Je suis content parce que c’est très agréable de travailler avec les GASAP.
Dans les marchés, je me sens plus comme un vendeur de légumes, les gens ne comprennent pas toujours ce que j’essaie de faire. Souvent ils ont des standards de magasin, ils veulent des légumes au prix de magasin et parfois c’est un peu compliqué. Il arrive que parfois mes poireaux soient tout petits par exemple, mais j’en fais quand même.
Et les gens me disent : “qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça?”
Alors qu’avec les GASAP, il y a une solidarité au projet qui est super chouette. Les gens prennent le projet dans l’ensemble.
Mes paniers de légumes varient de semaine en semaine et donc parfois il y a des petits poireaux ! mais ça s’équilibre. Si tu prends un panier qui tombe une mauvaise semaine tu peux vite te faire des idées. Donc c’est chouette les gens qui s’engagent et qui prennent le projet dans son ensemble.
-As-tu une référence, un projet modèle?
- Oui, ma référence je dirais que c’est Bram Taks, un maraîcher à Jodoigne qui est installé sur un terrain beaucoup plus petit que chez moi et qui arrive à gérer très bien son truc. Moi, c’est ce type de maraîchage que je vise, un maraîchage de petite surface.
Il travaille aussi avec les GASAP, parce qu’évidemment, un type de maraîchage comme ça peut marcher seulement avec des groupes d’acheteurs comme les Gasap, des acheteurs solidaires.
- Comment choisis-tu ta gamme de légumes à cultiver?
- J’essaie de rester dans les légumes plus classiques, parce que je trouve que c’est chouette d’avoir des carottes, des oignons, des pommes de terre, etc.
Après ces légumes peuvent se décliner en plein de sortes différentes, des carottes jaunes, mauves, etc. Je trouve ça sympa aussi parce que ça amène de la couleur dans l’assiette et une saveur un peu différente que j’essaie de mettre en valeur. Par exemple, l’arroche (espèce de l’épinard) c’est super parce que ça pousse facilement et c’est sauvage. J’aime bien les légumes plus rustiques. Evidemment il y a un coté esthétique, l’arroche ça claque ! On ne voit pas bien sur la photo, mais il y a des reflets dans ses feuilles, c’est super beau. Mais il y en a plein d’autres. Les courges c’est aussi très beau, plein de couleurs, de goûts différents. Un champ des courges c’est super beau à voir !
Pour moi c’est clair, surtout en début et en fin de soirée que je me balade dans le potager...c’est juste de la contemplation. Mon terrain est chouette pour ça parce que il y a toujours des ciels incroyables.