Comment est arrivée l’idée de créer Marie Poppies?
Marie : Dans un moment de transition personnelle, je me suis rendue compte que contrairement à ce qui se passe au niveau de la nourriture, il y a très peu de choix et de représentation des fleurs bio locales. En discutant avec des fleuristes, j’ai compris que ce n’était pas un manque de motivation de leur part mais qu'il leur manquait du temps pour rechercher et créer le contact avec de petits producteurs locaux: matériellement c’était difficilement réalisable. C’est là où l’idée a germé de faire se rencontrer les producteurs et les fleuristes sur une plateforme qui leur simplifierait la vie à tous. Ensuite, j’ai rencontré Valentine à une soirée de networking, et tout de suite on a décidé de tenter l’aventure. On est passé par une phase de test entre août et novembre 2019, et depuis le début du mois de mai 2020 Marie Poppies est totalement opérationnelle.
Est-ce que beaucoup de fleurs sont cultivées sous serre en Belgique ?
Oui, il y a des producteurs qui travaillent avec des serres. Mais il faut bien faire la différence entre fleur bio et fleur éco-responsable. Certains de nos producteurs travaillent en serre mais pas du tout chauffées, c'est l'une des différences par rapport au bio. La moitié des producteurs avec lesquels on travaille sont déjà certifiés bio, et c'est très bien. Mais l'aspect éco-responsable c'est une étape plus loin, parce que cela implique de réfléchir à l’empreinte écologique que la production aura. Donc dans le cas de la serre, elle ne sera pas chauffée à l’électricité. Évidemment, la production de fleurs pendant toute l'année n'est pas possible en Belgique, même s'il y a certaines variétés qui fonctionnent pendant l'hiver, la serre même non-chauffée permet d'avoir des fleurs plus longtemps.
Comment fonctionne le label bio pour les fleurs?
C'est essentiellement par rapport à l'utilisation de pesticides. Les champs certifiés bio doivent avoir un cahier de charges et ne pas travailler avec des pesticides. Il existe déjà pas mal de producteurs bio en Belgique.
Les fleurs de Marie Poppies sont toutes éco-responsables, ce qui veut dire que la manière de produire est réfléchie pour réduire au maximum l'empreinte carbone.
Donc, on ne travaille pas sous serres chauffées. Il faut aussi faire une utilisation raisonnée de l'eau, les fleurs de nos producteurs ne sont donc pas arrosées tous les jours, car ça n'est vraiment pas génial pour l'environnement. Toute la production est réfléchie en fonction de ces exigences, on plante des fleurs de saison, on évite la saturation du sol en faisant des rotation de cultures, etc.
Certains de nos producteurs ne sont pas labellisés bio, même s’ils appliquent les principes du bio et qu’ils vont même parfois plus loin encore. Le problème c’est que ce sont souvent des petites structures, qui sont retenues par le coût et autres contraintes de la labellisation.
On compte aussi sur un aspect éthique pour nos fleurs éco-responsables: les producteurs proposent le prix qui leur semble juste, ils le calculent par rapport à leurs coûts, nous ne négocions pas de baisses. Cela explique que sur notre site vous trouverez une même fleur à différents prix, et c’est pour ça aussi qu’il peut y avoir des écarts de prix importants entre la Criée aux fleurs (au marché matinal) et notre plateforme. Comme les fleurs de nos producteurs sont naturelles, elles ne sont pas calibrées comme à la Criée, et elles sont toutes différentes.
Pour mettre nos fleurs en avant, on a des petits autocollants “fleur durable” que les fleuristes peuvent utiliser sur leurs bouquets. Mais vous allez constater que ces fleurs-là ont beaucoup plus de parfum que les fleurs classiques et qu’elles attirent beaucoup plus les abeilles et les insectes.
Comment traitez-vous les invendus?
On a très peu ou pas d’invendus, car les fleuristes commandent à l’avance le nombre et le type de tiges qu’ils souhaitent, et les producteurs ne coupent que ce qui a été commandé. La seule exception est si les producteurs ont des fleurs qui sont prêtes à être coupées maintenant et qui seraient perdues la semaine suivante, ils peuvent les apporter et les proposer “en last-minute” aux fleuristes. Généralement ça marche assez bien. Si on a des fleurs qui restent, on les fait sécher et on peut ainsi continuer à les proposer, sous une autre forme.
Par exemple, une de nos productrices fait des roses. Avec les pétales perdus ou les roses qui n’étaient plus bonnes à vendre elle les fait sécher et propose des éco-confettis de pétales pour les mariages ou autre célébration. Ça sent super bon (ndlr on a senti, effectivement ça sent super bon). De manière générale, on a très peu de déchets, car tout est réutilisé et recyclé. La seule chose qu’on n'a pas encore réussi à transformer sont les feuilles du bas des tiges, qu’on retire et qu’on met au compost.
Comment choisissez-vous vos partenaires?
Pour l’instant on travaille avec 10 producteurs et 32 fleuristes. Il y a une longue liste d’attente de producteurs qui voudraient nous rejoindre, mais on veut garder un équilibre entre le nombre de producteurs et le nombre de fleuristes pour que ça reste rentable pour le producteur de venir déposer ses fleurs. Parfois, nous sommes aussi en contact avec des super projets, mais qui sont en dehors de Bruxelles, on préfère alors privilégier les producteurs locaux les plus proches.
Concernant les fleuristes partenaires, ça marche beaucoup par le bouche à oreille. On essaie de les accompagner et de les aider à amorcer une transition, pour leur offrir une alternative à la Criée. On ne leur impose pas d’avoir une certaine quantité de fleurs bio ou éco-responsables, chacun va à son rythme, selon ses moyens. Nous avons remarqué que la majorité de nos fleuristes prenaient les fleurs de Marie Poppies pour des raisons éthiques au départ, et pas forcément pour répondre à une demande de leur clientèle, et ensuite aussi parce qu’ils aiment travailler avec la variété de nos fleurs et créer à chaque fois des bouquets différents, car toutes les fleurs sont différentes.
Et les clients sont ravis : on a des témoignages de clients de nos fleuristes (parce que nous ne faisons pas de vente directe aux particuliers) qui sont hyper-positifs. Notre but est vraiment de créer un cercle vertueux. Par exemple, comme nos producteurs n’ont pas de fleurs fraîches en hiver, on continue en proposant des fleurs séchées. Les fleuristes sont au courant et ils trouvent ça logique.
Illustrations: Valentine Laffitte