L’apiculture naturelle d’Habeebee

Été 2018

Vous connaissez peut-être déjà les supers produits d'Habeebee. Mais cette savonnerie bruxelloise rassemble aussi une communauté d'apiculteurs qui grandit de jour en jour. Le retour au respect des abeilles et la simplification des pratiques apicoles sont essentiels pour AlexiaVan Innis et Magali Noël, fondatrices d’Habeebee. Nous avons rencontré Alexia qui nous raconte leur chemin vers une relation plus juste entre l'homme et l'abeille et comment elles développent une apiculture qui respecte le cycle de l’abeille et son rythme naturel.


 

Tu es anthropologue de formation, comment es-tu entrée dans le monde de l'apiculture?

Pendant plusieurs années j'ai travaillé avec des coopératives de café et de miel au sud du Mexique. C'est dans ce contexte que j'ai commencé à comprendre le rôle de l'abeille et l'importance de l'agroécologie. En rentrant en Belgique, j'ai eu besoin de garder ce contact avec l'abeille et avec la nature, j'ai donc commencé à installer des ruches partout où je pouvais. En plus de ça, j'ai travaillé dans une petite entreprise qui s'appelle Beeodiversity, qui place des ruches dans des entreprises. Ce passage dans le monde de l'entreprise m'a beaucoup appris. Ce que j'ai apprécié chez eux c'était le fait de travailler avec un modèle viable et reproductible, ce qui dans l'univers des asbl est toujours plus difficile. Par après j’ai rencontré Magali autour d'une ruche. Elle est pharmacienne et passionnée des matières de la ruche, et Habeebee est né!

Au commencement d’Habeebee, tout ce qu'on a fait a été un chemin de réappropriation. Il fallait prendre confiance et se dire qu'on pouvait le faire nous-même. On a vraiment pris le temps de faire des recherches et de revoir les pratiques classiques de l'apiculture. On a eu besoin de balayer devant notre porte sur ce discours alarmiste sur les abeilles. 

 

Tous vos produits sont préparés avec des produits de la ruche!

Oui! Nous avons développé nos propres formules et nos produits sont tous faits à la main. Habeebee valorise la cire et la propolis, deux matières résiduelles de la ruche. Nos savons sont saponifiés à froid avec surgras de cire et propolis. On fait une infusion de propolis dans l'huile de jojoba pour le soin du visage qui est vraiment géniale. Et entre autres produits, on réalise des très jolies petites bougies à la cire d'abeilles qui purifient l'air et ne polluent pas.

Été 2018

En quoi l'Habeebee-culture se différencie des autres façons de faire?

Les principes de notre approche à l'apiculture sont, premièrement, de laisser aux abeilles le miel dont elles ont besoin. On ne remplace pas le miel par du sucre. Moi-même je ne faisais pas ça avant. Deuxièmement, on ne met pas d’antibiotiques ni de pesticides dans les ruches. Et le dernier principe, c'est qu'on laisse les abeilles faire leur cire elles-même, ce qui est très osé de dire dans le monde de l'apiculture.

 

Comment ça se passe si on ne les laisse pas faire leur cire elles-mêmes?

En fait, il y a des plaques de cire pré-faites qui se mettent dans les cadres. Ça permet d'aller plus vite dans la production. Ces plaques en cire que les gens installent dans leurs ruches viennent avec une forme préétablie d'alvéoles, qui ont la forme de l'ouvrière. Sauf que dans la nature cette forme est plus petite. La communication entre la reine et les ouvrières est quelque chose de très fin et ce type d'intervention change tout.

Au début de notre projet on a beaucoup réfléchi, quel est notre engagement par rapport aux abeilles, à l'environnement et à la biodiversité? On a pas mal voyagé pour rencontrer des apiculteurs qui travaillent de façon plus naturelle. On gros on a fait le chemin vers la permaculture.

Été 2018Habeebee propose une alternative avec la ruche horizontale dite Kenyane car c'est une apiculture plus respectueuse du rythme de l'abeille où le premier principe est la bâtisse libre : la cire est construite librement par les abeilles. C'est une apiculture plus accessible et pédagogique. Une ruche Kenyane demande moins d'intervention et permet de maximiser les observation et minimiser les interventions.

L'autre principe c'est qu'on ne met pas toutes les ruches au même endroit, les abeilles ne sont pas toutes ensemble dans la nature. En fait, quand on met 50 ruches au même endroit ce n'est pas un écosystème, ça sature, ça crée des maladies.

 

Et le miel?Été 2018

Le miel c'est trop cool, les abeilles en font plein. Mais le vrai cadeau de l'apiculture c'est la cire et le propolis. La colonie des abeilles se développe beaucoup au printemps et puis se rétrécit en hiver, et chaque année elles font une nouvelle cire. Donc, nous on prend l’ancienne, celle que les abeilles n'utilisent plus. Dans la nature elles abandonnent la cire qui va ensuite être mangée par des papillons qui s’appellent les fausses teignes. On fait comme une fausse teigne en fait, on prend un déchet que les abeilles laissent.

 

Et par rapport aux habeebee-culteurs, comment se passe votre relation?

Dès que les habeebee-culteurs s’inscrivent aux formations, ils ont un accompagnement général. On les aide à installer la ruche et à s'occuper des abeilles. Et puis ils ont aussi leur jardin qui est pollinisé. Nous on facilite la pratique de l'apiculture, on n'est pas vendeur des ruches, on propose des packs pour faciliter la tâche. Ensuite, ils gardent le miel, il est à eux.

Nous sommes aussi comme des gardiens de cette vision de l'apiculture, on trouve importante la transmission et le contact. On organise des rencontres, les gens s'entraident et tout ça crée une communauté, c'est ce qu'on appelle l'Habeebee culture. Le projet Habeebee accompagne une communauté de 60 habeebeeculteurs qui ont à chaque fois 1 ruche dans leur jardin. Il est très intéressant d'avoir cette communauté élargie car elle respecte le maillage naturel de l'abeille. Toutes ces personnes nous laissent la cire qui, comme on l’a dit, est un résidu. Il faut avoir du matériel spécialisé pour pouvoir la transformer.

Qu'est-ce qu'il faut pour placer une ruche chez soi?

En ville c'est un peu compliqué. Elles sont souvent placées dans des petits projets collectifs, de compost, de potagers, etc. Elles contribuent à sensibiliser un maximum de gens. Pour les jardins privés, il faut avoir 20 mètres de distance d'une fenêtre, divisible par deux. En dessous de 10 ruches, on dit qu'il faut agir comme «bon père de famille», ça veut dire qu’il faut trouver une bonne place pour les ruches, pas en face du terrain de foot des enfants, par exemple.

Quand on accepte d'être en relation avec l'abeille, on s'engage à chercher la plus juste relation entre l'homme et l'abeille, et d’améliorer encore les pratiques. Chez Habeebee, on se sert de tous les habeebee-culteurs pour mener des études afin de comparer les pratiques, les taux de mortalité, de quelles abeilles il s'agit, etc. Tout ça c'est un peu technique mais pour nous c'est un terrain de jeu pour essayer d'aller plus loin.

 

Voici une liste des plantes qu'Alexia a partagé avec nous. Les plantes mellifères aident à maintenir la biodiversité et attirent les abeilles, quoi de mieux pour nos jardins ?
Été 2018

 

Illustrations: Lou Koudoyor