Fais-le toi-même: l’émancipation par le savoir-faire manuel et créatif.

Démocratiser les loisirs créatifs et permettre aux citoyen.nes de retrouver leurs capacités de créer ou de réparer, ce sont les missions que se sont données Lucie Laffineur et Élise Boon, fondatrices de Fais-le toi-même. Nous avons rencontré Lucie avec qui nous avons discuté économie circulaire et émancipation par le bricolage. Entretien.


Quel est la mission de Fais-le toi-même?

Il y a différentes activités au sein de lasbl. Premièrement, nous avons un atelier partagé où les gens peuvent avoir accès à notre espace et à nos outils pour faire leurs propres créations. Cet atelier est en libre service pour les personnes qui connaissent déjà les outils et les machines. Nous proposons également un accompagnement pour celles qui ont besoin daide pour lutilisation des outils ou la conception du projet.

Ensuite, nous proposons des cours collectifs. Les intervenants extérieurs sont eux-mêmes artistes, créateurs ou professionnels. Ils viennent enseigner leur technique et chaque participant repart avec ce quil a produit pendant le cours.

Et notre dernier volet est lorganisation de grands événements créatifs et durables. Nous en avons organisé un sur la place Sainte-Catherine en septembre 2018 et un autre pendant la période de Noël 2018 à la Quincaillerie à Ixelles. Nous allons en refaire cette année avec toujours cette volonté de présenter des projets créatifs et durables. Nous faisons vraiment attention à ce que tous les exposants aient une démarche qui sintègre dans léconomie circulaire ou dans la récup.

Cest pareil pour nos cours collectifs et latelier partagé. Dans latelier partagé, on a cette volonté de travailler en économie circulaire notamment grâce à un partenariat avec une menuiserie qui nous laisse ses chutes de bois. Nous essayons délargir ce partenariat et de devenir un point relai de récup. On est en train de créer des partenariats avec des chantiers par exemple. Nous récupérons les déchets du chantier qui se trouve ici en face, et on fonctionne comme un point relais: on garde ce qui est intéressant pour latelier partagé et le reste est redispatché à ceux et celles qui sont intéressés.

Est-ce que c’est facile de récupérer des matériaux de chantiers « normalement » destinés à être jetés?

Il faut avoir un vrai partenariat et cest ce quon est en train de mettre en place. Ça commence à germer dans la tête des gens que cest quand même irresponsable de jeter des tonnes de matériaux qui sont tout à fait réutilisables. Et donc quand on leur en parle et quon leur explique le concept de léconomie circulaire, il y a cette volonté de sy intégrer et de faire un petit geste qui va dans ce sens. Ça devient plus facile de trouver des partenariats parce que les consciences commencent à changer à ce niveau-là.

Comment vous est venue l’idée de monter Fais-le Toi-même?

Cest un mélange  de différentes choses ! La frustration a en partie joué. Elise et moi avons  chacune une pratique artistique. Elle crée des pots de fleurs et des bijoux en béton et moi je fais du transfert de photos sur du bois de récup. En achetant nos matières premières, on a réalisé que les loisirs créatifs ne sont pas du tout accessibles car ils ont un certain coût. On ne trouvait aussi que du matériel suremballé. On a donc voulu développer un endroit où les vis sont à la pièce, au poids, etc.

Après ses études, Elise a fait un peu déducation aux médias avec des jeunes. Le but est qu’ils s’approprient les outils radio, vidéo et photo pour faire passer un message. Et on sest rendues compte que ce travail d’éducation au niveau des loisirs créatifs n’existait pas encore et qu’il y avait quelque chose à creuser à ce niveau là. .

En plus de ça, un format comme Fais-le Toi-même est super adapté au format de la ville.

Oui c’est vrai, vivre à la campagne est synonyme despace. Mais pour les cours collectifs, nous recevons beaucoup de personnes qui viennent de Wallonie parce quil ny a pas beaucoup dactivités proposées qui vont dans ce sens-là.

On essaie vraiment dans notre cours collectifs de faire des propositions originales avec cette dimension déconomie circulaire.

 

En quoi penses-tu que l’autonomie en création est importante?

Cest vraiment le premier but de Fais-le toi-même, cest lémancipation par le savoir-faire manuel et créatif.

Parce que cest une petite émancipation en soi, ça ne paraît pas être grand chose sur le moment mais ça rapporte une fierté, une confiance en soi qui se développe dans dautres domaines que la création.

On a par exemple quelques personnes qui viennent aux cours collectifs suite à un burn-out et qui ont besoin de cet aspect créatif et de lutilisation de leurs mains. Notre société pousse fort à lintellectualisation et oublie le côté manuel qui pourtant est très important.

Notre public vient chercher ça aussi parce que cest un des chemins pour aller mieux, reprendre confiance en soi et se découvrir de nouvelles capacités. Que ce soit aux cours collectifs ou à latelier partagé, il arrive très souvent que des personnes nous disent « Je suis fière de moi ». Tout ça engendre aussi une autre manière de consommer et de voir les objets parce qu’on va être plus attaché à quelque chose qu’on a créé nous-même, on va essayer de le réparer avant de le jeter et donc produire moins de déchets.

 Qu’est-ce que t’apporte ce projet?

Ce que je préfère cest de voir les gens repartir contents de ce quils ont fait, de se poser des questions sur léconomie circulaire et sur dautres manières de consommer.

Cest encourageant de voir que plein de gens ont la volonté de changer certains aspects de la société.

On a découvert aussi plein de chouettes créateurs, on fait tout le temps de super rencontres, cest très dynamisant.

Quel est le conseil que tu donnerais à quelqu’un qui veut tendre vers l’autonomie, apprendre à construire ses meubles soi-même?

De venir ici ! On est en train de mettre en place des petits kits pour les personnes qui veulent se lancer mais qui nont pas forcément didée de projet. Ces kits permettront par exemple de faire une petite étagère et dapprendre en ayant un but de réalisation. Cela permettra aussi de se poser toutes les questions qui ressortent au cours dune réalisation, de se confronter à certains problèmes et dacquérir de bons réflexes.

Quel est l’idéal vers lequel Fais-le toi-même tend?

On sest inspirées de plein de projets qui existaient déjà en plus des choses quon avait envie de mettre en place. Cette année on vise un déménagement vers un endroit beaucoup plus grand pour pouvoir séparer les ateliers partagés des cours collectifs et donc davoir un espace qui soit vraiment consacré au bruit et à la poussière et un autre qui soit plus pour le « craft » ou les ateliers plus calmes. Cet espace nous permettra de développer dautres activités, on aimerait mettre en place un co-working créatif et accueillir plus de personnes à latelier partagé.

Quel est le projet le plus fou qui a été réalisé ici?

Un monsieur est venu construire un berceau pour son futur bébé. Cétait un challenge parce quil fallait absolument que le berceau soit solide ! On a fait pas mal de recherches sur internet et on a découvert quil y a des normes à respecter au niveau de la taille du berceau. Le berceau a été réalisé avec succès et est magnifique. Le bébé va bien et dort très bien dans son berceau !

Hier deux enfants sont venus avec pour projet de construire un bateau en bois qui devait flotter et une voiture en bois qui devait rouler. Je pense dailleurs qu’ils sont les plus jeunes utilisateurs de nos machines! À 11 ans, ils ont utilisé la scie circulaire et la défonceuse. Il faut avoir 18 ans pour pouvoir utiliser latelier seul et pour les enfants on demande qu’un des deux parents viennent en accompagnement. Et quand ils utilisent la scie ou la défonceuse on reste à côté, on ne les laisse pas se débrouiller tous seuls.

On apprend tous les jours de nouvelles petites astuces de nos membres. Cest un atelier partagé où on apprend ensemble.

On a évidemment les compétences pour donner un accompagnement à ceux qui ne s’y connaissent pas mais parfois on réfléchit ensemble. Le projet devient alors une réflexion collective.


 

Fais-le toi-même
Chaussée de Wavre 257, 1050 Ixelles

Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 17h. (et en soirée pour les cours collectifs)


 

Illustrations: Clémence Peyroche d'Arnaud