Communa: se réapproprier des espaces vides et co-créer une ville durable

Comment redynamiser certains quartiers bruxellois tout en luttant contre la spéculation immobilière? La Région de Bruxelles-Capitale compte près de 30 000 unités de logements vides et 1,5 million de mètres carrés de bureaux inoccupés. Comment profiter donc de tout cet espace? L’ASBL COMMUNA s’est donné pour mission de réhabiliter des lieux inutilisés en les mettant temporairement à disposition de projets citoyens. Entretien.


Comment est né Communa?
En 2013, Communa est créée sous l'impulsion de cinq étudiants qui avaient envie d'habiter autrement. Ils s'inspirent de nombreuses initiatives bruxelloises qui facilitent l'habitat groupé dans des bâtiments vides et une communauté se rassemble rapidement autour du projet. Le premier lieu était une ancienne tour de bureaux à Ixelles. Sur ces quelque 8.000 m², la communauté d'habitant.e.s construit des rampes de skate, élève des poules, partage ses chaussettes et organise pleins d'événements publics. 

Sur votre site vous parlez d’“urbanisme transitoire”, en quoi cela consiste-t-il?
L'urbanisme transitoire, contrairement à la version "éphémère", vise à la modification du projet permanent final par la phase "de transition", qui fait le lien entre l'usage précédent et le final. Ainsi, si le projet final comprend un espace ouvert au public au sein d'un complexe de logement, il est intéressant -avant les travaux- de programmer des usages correspondants aux besoins locaux pour tester la réponse et ce, à moindre coût et de manière participative, inclusive et ouverte !

En quoi l’occupation temporaire à finalité sociale est-elle une manière de rendre un pouvoir d’action aux citoyen.ne.s?
L'OTFS est un relais de la démocratie participative en ce qu'elle permet à des initiatives locales de bénéficier d'espaces à bas coûts et avec une grande liberté d'usages.

Elle permet aux citoyen.ne.s de se structurer ou de disposer d'une base structurante pour faire valoir leurs droits, faire entendre leurs voix et se mettre en lien avec les autres relais participatifs pour arriver à dépasser le niveau local, constituant une réelle force politique.

Que retrouve-t-on comme projets dans ces occupations temporaires?
De tout, mais chez nous, majoritairement des acteurs et actrices de l'économie circulaire ou sociale et solidaire (ESS), leurs activités sont très variées (maraîchage, éducation permanente, médias alternatifs, artisanat, outils digitaux et productifs, logements, ...) 

Quels sont les critères pour bénéficier des services de Communa, pour avoir accès à un lieu en tant que projet?
Les critères sont relativement souples, la forme juridique importe peu, mais le fonctionnement effectif doit refléter une gouvernance démocratique et une action sociale à un niveau local ou à une échelle moyenne. Nous insistons également sur la volonté des projets d'être en collaboration, de mutualiser les énergies et de favoriser les synergies au sein d'un même lieu.

Vous offrez également un service d’accompagnement afin de faire connaitre et répandre cette pratique d’occupation temporaire à finalité sociale. Existe-t-il d’autres structures telles que la vôtre en Belgique et en Europe?
Oui, bien sûr ! Au niveau de Bruxelles, nous avons plusieurs structures partenaires voulant mettre des espaces vacants au service de la Ville et de ses habitant.e.s. Au niveau belge, il y a un certain nombre de structures actives au niveau national. Finalement au niveau européen, nous avons, en collaboration avec plus de 10 structures, créé le Social Transitional Use Network (STUN), rassemblement de structures qui opèrent des occupations temporaires à Paris, Lyon, Londres, Riga, Venise, Copenhagen,...

Quel est l’idéal vers lequel tend Communa?
Communa a comme ambition de participer et d'accompagner la transition locale (bruxelloise) vers un mode de vie plus respectueux de l'humain, de l'environnement et une organisation démocratique de la ville.

Cela implique une ville où les droits fondamentaux des personnes sont considérées comme une priorité, où la solidarité serait réellement la base sur laquelle est pensée le contrat social.

Concrètement, impliquer les personnes dans la co-création de la ville, faire en sorte qu'un logement digne devienne la norme à Bruxelles, rétablir un rapport de force proportionné entre la propriété d'usage et la propriété privée !

Avez-vous un projet bruxellois coup de coeur à nous présenter?
Tous nos projet nous tiennent à coeur, même si ceux qui accueillent du public sont plus visibles. A titre d'exemple, on peut parler du Tri Postal : ancien centre de tri national, appartenant à La Poste,  de 1955 à 1998, date à laquelle le bâtiment a été acheté par la SCNB, pour y mettre ses bureaux. Depuis, il est resté vide, jusqu'en 2019, où le Comité de Quartier Midi a lancé une pétition pour demander l'ouverture de ce géant de béton. Communa a remporté l'appel à projet rédigé conjointement par la Commune de Saint-Gilles, la SNCB et la Région. Après une remise en état du bâtiment, nous avons ouvert en novembre 2019 un espace polyvalent et hybride, comprenant des ateliers, un fablab, un studio de danse, des locaux destinés au travail social de proximité aux abords de la gare et plein d'autres encore ! Venez nous y voir !


Illustrations: Giulia Gallino

Tagged with: