5 questions à Aline Coeurtiss, un colibri engagé

C’est sur Instagram que nous avons rencontré ALINE COEURTISS. Ah la magie d’Instagram! D’abord curieuses des astuces zéro-déchet qu’elle y prodigue, nous avons ensuite été séduites par la franchise de ses propos et la manière dont elle parle d’écologie sans faire culpabiliser son public mais plutôt en lui montrant ses côtés pratiques et ludiques. Nous y avons reconnu les valeurs de Dot-to-Dot ça nous a donné envie de lui poser 5 questions!


Qui es-tu et quel est ton parcours?

Je m'appelle Aline, j'ai 30 ans. Dans la vie, je suis professeure de Français depuis sept ans.

Ma transition vers une consommation responsable a démarré en 2016, avec un livre sur la slow cosmétique de Julien Kaibeck. Une personne dans ma famille le lisait et, par curiosité, je me le suis également procuré. La claque. Pesticides, silicones, irritants, allergènes, perturbateurs endocriniens, ... un vrai film d'horreur. Moi qui étais une grosse consommatrice de cosmétiques que j'appelle maintenant "industriels", je suis rentrée dans ma salle de bain avec à la main « Clean Beauty » (une app conseillée dans le livre pour analyser les composants problématiques dans nos produits) et pour le premier flacon que j'ai scanné, ça disait "cancérigène". C'est, sans exagérer, comme si ma salle de bain se révélait être une scène de crime. A part deux-trois produits de Monsieur, j'ai tout mis dans un sac et on a démarré à zéro en faisant nos propres cosmétiques, sur base des recettes du livre. 

Après avoir ouvert les yeux sur l'impact des cosmétiques sur notre santé et sur l'environnement, j'ai vite fait le lien avec mes produits d'entretien, les déchets et le bio. Là aussi, j'ai beaucoup lu, comme l'incontournable livre «Zéro déchet» de Bea Johnson, et celui de La famille presque zéro déchet.

A la suite de ça, et ça suit toujours le fil rouge de la réflexion sur ma responsabilité dans ma consommation et sur mon impact, j'ai repensé mon rapport à la mode. Il y a encore quelques années, j'étais dans une optique où j'aimais acheter plein de pièces, souvent, et pas trop chères. Et puis une jour, on voit des chiffres comme le nombre de litres d'eau utilisés pour fabriquer un seul vêtement, on ouvre les yeux sur les conditions de travail des ouvriers, les quantités de produits toxiques auxquels ces personnes sont confrontées, produits qui finissent ensuite dans la nature et sur notre peau.

J'ai du coup découvert les joies des friperies et des marques éthiques, d'avoir moins de vêtements mais de plus belles pièces, qui me dureront plus longtemps.

Les étapes les plus récentes ont été le végétarisme, le respect des saisons dans les produits consommés et le choix au maximum du local (autant pour les cosmétiques que pour la nourriture).

Et je sais que je continue chaque jour d'avancer dans ma propre sensibilisation et dans ma transition, avec toujours beaucoup de curiosité et de motivation !

Nous t'avons connue grâce à ton compte Instagram où tu partages des astuces pour un quotidien éco-responsable. En quoi est-ce important pour toi?

Au début, en 2016, je me suis mise à partager sur mon compte chaque petite chose que j'ai changée dans mon quotidien, les produits cosmétiques que je créais, mes découvertes en matière de zéro déchet. Directement, ça a eu un chouette écho auprès de mes connaissances. C'était donc assez motivant de documenter ma transition vers ce mode de vie plus vert. J'étais la seule dans tout mon entourage à me lancer là-dedans, le hashtag #zerodechet a été aussi très pratique car je me sentais moins seule dans ma démarche, j'ai découvert des comptes et des personnes très inspirantes.

Depuis, mon compte est resté un recueil de ma progression, suivi par toujours plus de personnes, j'ai juste pris l'habitude d'expliquer, d'écrire les recettes de mes produits, de citer les marques de mes découvertes, les noms des magasins et e-shops utiles.

Je partageais tout ça car j'ai, pour ma part, pas mal galéré au début à savoir vers quoi me tourner, quel produit choisir. Si je pouvais faire gagner un peu de temps aux autres dans leur démarche, pourquoi pas !

Instagram, ça a aussi été un moyen de montrer mes ratés. Quand on se lance dans une nouvelle démarche et un nouveau mode de vie, en étant un peu perdu.e, on peut se faire avoir par certaines promesses de marques et produits, se faire aussi avoir en achetant des choses totalement inutiles, comme trop de produits cosmétiques superflus (car les sirènes du marketing ne s'arrêtent malheureusement pas à la porte de la consommation responsable...), etc. Donc aussi témoigner de mes «bêtises» pour les éviter aux autres, c'est une part importante du partage quand beaucoup de gens te suivent et te demandent des conseils, selon moi.

Et pour finir, quand j'ai des moments un peu de démotivation dans ma démarche, quand je vois que je suis encore loin d'être aussi éco-responsable que je le voudrais, c'est reboostant de parcourir mon feed et de voir tout ce qu'on a réussi à mettre en place et tout ce qui a changé en mieux, des choses installées de façon tellement efficaces et durables qu'on ne les voit plus puisqu'elles font entièrement partie de notre quotidien.

Tu organises également des ateliers et des séances de coaching, quels sont les plus grands obstacles auxquels font face les personnes qui s'engagent dans un mode de vie plus éco-responsable?

Ce qui revient souvent dans les échanges, c'est le manque de temps. Que ce soit pour les courses dans de nouveaux lieux, pour fabriquer des produits soi-même, etc. C'est là que mon rôle dans un atelier ou un coaching prend tout son sens, je peux rassurer et expliquer comment j'ai pu m'y prendre dans mon organisation, expliquer aussi qu'on ne doit pas chercher à être parfait.e dès le début.

C'est en se mettant trop de pression d'entrée de jeu qu'on risque de baisser les bras.

Le manque de références au niveau des magasins et marques est également un frein. D'autant plus que le zéro déchet étant devenu une mode, de plus en plus de produits circulent et on ne sait plus où donner de la tête ni quoi choisir. Là également, conseiller et partager sur notre expérience peut aider.

Certain.e.s disent aussi ne pas savoir comment s'y prendre. J'ai beaucoup appris par moi-même mais il arrive simplement qu'on ait besoin qu'on nous montre et nous accompagne pour comprendre et réaliser un tuto bee's wrap ou furoshiki, par exemple, pour poser toutes ses questions et pour rentrer chez soi avec une nouvelle technique maîtrisée.

Le dernier obstacle qui revient c'est l'organisation, l'impression que ça complique la vie, comme de se déplacer avec des bocaux alors qu'on peut simplement s'équiper de sachets réutilisables et transvaser à la maison. Avec la pratique, les échanges et les essais en ateliers, les personnes peuvent assez vite voir que le réutilisable et l'écoresponsable ont un côté souvent minimaliste qui permet de se simplifier la vie, il faut juste le temps de l'installer et de s'en rendre compte.

 

Tu te qualifies de "colibri engagé", peux-tu nous en dire plus?

Je me suis, comme beaucoup, retrouvée dans le rôle du colibri dans la légende remise en avant par Pierre Rabhi.

Je fais de mon mieux, je fais ma part, de mon côté, ce n'est rien à l'échelle mondiale, mais au moins j'agis et je suis en accord avec ce qui me semble juste et utile.

Engagée car je m'implique et aussi, sans doute, d'avoir pris cette habitude des partages Instagram et de faire des ateliers et coachings pour donner envie aux autres d'être curieux.se et d'en faire de même. Je pense aussi que chaque colibri entraîne très rapidement plein d'autres colibris dans son sillage, et ça c'est constructif !

 Quel est ton projet bruxellois coup de coeur?

J'en ai tellement en tête !

En tant qu'enseignante, j'aime inclure les sujets qui me tiennent à cœur dans mes cours mais parfois ça ne s'y prête pas. J'ai pu faire appel au projet The Green Seeds Project lancé par une de mes très belles rencontres Instagram : Chloé, du compte Thegreenmonki.

Elle se rend dans les écoles et aborde de façon très accessible différents sujets avec les adolescent.e.s : la mode, le plastique et l'alimentation. Elle part d'un documentaire pour sensibiliser les élèves à ces grosses problématiques et les amène à mettre en place leurs propres solutions, concrètes.

C'est ainsi que j'ai pu travailler plusieurs fois avec elle. Un vrai succès et une très belle expérience à chaque fois ! L'année dernière, j'avais choisi son intervention sur le plastique. Sur trois semaines de temps, des gourdes ont remplacé les bouteilles en plastique sur les bancs, et encore actuellement, certain.e.s élèves me parlent de Madame Chloé qui leur a ouvert les yeux sur leur consommation de plastique. Elle amène un climat propice à l'ouverture et à la curiosité dans ces classes d'adolescent.e.s toujours difficiles à sensibiliser, et sème des graines qui germeront un jour, j'en suis sûre !


 

Illustrations : Sarah Cheveau