Nous avons rencontré Lola Vandervliet du Kiosque à graines, une jeune a.s.b.l. qui croit en la capacité des citoyens à prendre en charge leur alimentation. Le groupe de potagistes du Pocket park Laneau, qui est à la base du projet, a voulu amener la culture de légumes en milieu urbain plus loin en créant un outil mobile pour aider les bruxellois.es à lancer leur potager, mêmes dans de petits espaces. Ce vélo-kiosque, permet de croire qu’une ville plus verte est possible. Entretien.
Comment a débuté le projet du kiosque à graines?
Le kiosque à graines a débuté avec des habitants de Laeken qui se connaissaient et qui avaient repéré une dalle de béton laissée à l’abandon tout près de la place Bockstael. Ils se sont rendu compte que la dalle était très bien positionnée, avec un ensoleillement assez important et donc ils se sont renseignés pour savoir à qui elle appartenait. Plus tard ils ont réussi à avoir un accord avec les propriétaires: Infrabel, la SNCB et la Stib, pour pouvoir l'occuper et transformer cette dalle de béton en un potager collectif. Maintenant, cette dalle de béton n’est plus visible parce qu'ils ont mis des copeaux de bois et ont construit une trentaine de bacs où des familles peuvent y cultiver des légumes.
Au même moment, un appel à projets avait été lancé dont la question était: «Comment les Bruxellois se nourriront en 2025?». À partir de là, ils ont eu l'idée d'un outil mobile qui inciterait les gens à cultiver chez eux, pour favoriser l'autonomie et l’agriculture urbaine à Bruxelles. Avec ce projet, ils sont arrivés en demi-finale d'un concours sur l'alimentation durable à Milan.
Est-ce que le potager a été soutenu par un contrat de quartier?
Oui, c'est une initiative citoyenne qui s'est inscrite dans le contrat de quartier de Bockstael. Ce groupe de citoyen a ensuite créé une a.s.b.l., Le kiosque à graines, soutenue par des subsides de la Région via le projet Good Food, un projet concernant l’alimentation durable.
Quelles sont les missions de l'a.s.b.l.?
C'est vraiment d'assister les gens et de les accompagner pour qu’ils cultivent des légumes en ville sans avoir spécialement un potager, mais en essayant de valoriser les balcons, les terrasses, et pourquoi pas les devants de portes. Nous les aidons à se lancer en donnant des conseils sur les matériaux, les graines, le travail à travers les différentes saisons.
Quels sont les endroits où le kiosque est le plus présent?
Pour le moment, comme on a reçu des subsides dans le cadre du contrat de quartier à Bockstael et qu’on est aussi en partenariat avec la commune de Molenbeek, on a une présence plus intense dans ces endroits là, où on essaie de faire de permanences, et peut-être à terme faire un lieu de rendez-vous pour les gens du quartier. On participe aussi à des événements pour faire des animations.
As-tu une formation spécifique pour le travail que tu réalises au sein du kiosque à graines?
Non, pas vraiment. Au cours de mon Master j'ai commencé à m'intéresser à mon alimentation, entre autres parce que j'ai fais du bénévolat chez SOS Faim et que j'ai participé à la troisième édition du festival Alimenterre. Je me suis alors rendue compte qu'il fallait que je change ma manière de m’alimenter. Donc, j’ai commencé à chercher un projet qui me permettait de travailler sur cet aspect et quand j'ai vu l'offre du kiosque je me suis dis que ça me correspondait très bien.
Quel est le profil des personnes qui participent au kiosque à graines?
Pour le moment, le projet est assez récent. On a reçu le vélo en début d'été et moi, qui suis la seule employée, j'ai commencé les ateliers pendant l'été. Donc c'est difficile de dire comment est composé notre public. Mais pour le moment, je dirais que ceux qui nous approchent plus naturellement sont ceux qui ont déjà mis au moins un basilic sur leur balcon. Il y a aussi ceux qui ont déjà eu une première expérience, qui ont déjà essayé de cultiver eux-mêmes, et puis il y a les amoureux du vélo. Mais il va falloir trouver un moyen d’atteindre les plus timides. Jusqu'à maintenant, toutes nos activités sont gratuites justement pour inciter les gens à nous approcher.
L'idée de faire un kiosque mobile est en lien avec ça?
Oui, il y a l'idée d'aller là où le besoin est et à vélo c'est plus facile et plus propre pour l'environnement.
Le design du vélo est assez particulier, l’avez-vous créé vous-même?
À la base, il vient d'une compagnie danoise qui produit des vélos en open source, sauf que ce modèle de vélo n’est pas en open source. On a fait un appel à projet pour créer la partie boite et c'est le designer Thomas Vancraeynest qui l'a ensuite conçue. On avait déjà une idée de ce à quoi le kiosque allait ressembler, mais il fallait qu’il soit facile à gérer et maniable parce qu’une seule personne doit pouvoir le conduire.
Vous travaillez pour sensibiliser les gens à l'agriculture urbaine, comment vois-tu le développement de l'agriculture à Bruxelles?
C'est une discussion dont je n'ai pas eu l'opportunité d'avoir avec tout le groupe mais personnellement j'aimerais que le projet aille dans le sens de certaines villes en Angleterre qui sont en transition, où l'agriculture urbaine est partout. Tous les habitants et chaque petite pelouse sont concernées. La ville à laquelle j'aspire est une ville où des légumes poussent un peu partout. Avec des espaces qui apportent de la biodiversité. Je pense que l'agriculture urbaine a tout à fait sa place dans la ville. Bruxelles n’arrivera peut-être pas à être autonome comme d’autres villes, comme Liège par exemple, qui peuvent le faire parce qu'elles ont la place.
Je pense que le fait d'avoir de l'agriculture en ville permet de conscientiser sur le travail des agriculteurs, sur le prix de la nourriture et sur plein d’autres questions sociales qui se cachent derrière notre consommation.
Quand on sait qu'un poivron a besoin d’un mois pour pousser et qu'au supermarché les poivrons coûtent 1€ pour 3 pièces, on a le droit de se demander si c’est normal. Est-ce que le producteur a été bien payé? Le but de cette initiative n’est pas de moraliser : « Ah vous ne mangez pas bio ! » mais c’est plutôt d’ouvrir une porte. Ça fait du bien aux gens de se reconnecter avec la terre. En fonction de la sensibilité de chacun, ça peut évoluer vers une autre question. Mais en tout cas pour le moment, il y a plein d'initiatives autour du potager urbain et c'est très chouette.
Est-ce qu'il y a un projet à Bruxelles qui t’inspire?
Il y en a plusieurs. Par rapport à l'agriculture urbaine, j'aime bien le travail de Permafunghi, pour la revalorisation des déchets alimentaires et le fait qu'ils arrivent à produire des légumes de qualité. Après, j'aime beaucoup le potager « Alhambra » dans le centre, dans une rue qui a été bloquée avec de grands blocs de béton à cause de problèmes de prostitution et un collectif citoyen a décidé de mettre en place un potager collectif là-dessus.
As-tu des bons plans de jardins collectifs à partager?
Justement j’ai fais un tour des jardins et des potagers collectifs à Laeken, et il y en a certains qui sont assez surprenants. Par exemple, il y en a un sur le parking d'un supermarché, les citoyens ont réussi à avoir un accord avec le supermarché qui avait une petite surface qu'il n'utilisait pas.
Voici une petite liste d’autres potagers à visiter dans la commune de Laeken:
Jardin collectif de Tour et Taxi (boulevard du Jubilé, 202)
Le Moespot (rue Steyls, 111)
Le Jardin pédagogique Albert Street, (rue Jan Bollen, 26)
Le Pocket Park Laneau, (rue Laneau, 2)
Quels sont les prochains objectifs du kiosque à graines?
On voudrait encore plus verduriser les quartiers dans lesquels on est actifs en mettant en place des événements pour que les gens puissent repartir avec des kits pour se lancer. Et on cherche aussi à se pérenniser parce qu'on n’a pas de garantie pour le futur au niveau des subsides. Il y a un peu d’incertitude même si le projet est chouette et qu’on voudrait le faire vivre. On est en discussion avec les communes mais rien n'est certain.
Illustrations : Cécile Barraud de Lagerie