The Fabric Sales : (ré)concilier l’industrie du textile haut de gamme et l’économie circulaire

Les beaux jours reviennent, on change notre garde robe automne/hiver pour la collection printemps/été. Et pendant que nos cintres prennent l’air, Elodie se rend (virtuellement) à The Fabric Sales, la bibliothèque de tissus haut de gamme développée par Allison Mc Greal.


Cet “article de solutions” présentera l’étiquette de création de The Fabric Sales, déroulera les bobines des nouveaux acteurs du secteur qui prennent le tournant de l’économie circulaire et brodera autour des pratiques de TFS qui allient sophistication et slow-fashion.

The Fabric Sales : la bibliothèque de tissus haut de gamme

The Fabric Sales (TFS) propose à tous les passionnés de couture, de luxueux tissus en provenance de grandes marques de créateurs. En prolongeant la durée de vie des tissus haut de gamme et en encourageant leur réutilisation par la création, TFS renouvelle les pratiques pour une mode plus circulaire. Ce modèle innovant a été lancé par Allison Mc Greal, il y a 10 ans, à contre-courant de l’époque alors centrée sur la “fast fashion”. Aujourd’hui, de grandes marques de créateurs sont accessibles à la vente : Rue Blanche, Annemie Verbeke, AF Vandevorst, Dries Van Noten, Christian Wijnants, Walter Van Beirendonck, Les Filles à Papa, Essentiel, Ines de la Fressange, etc.

Au printemps 2020, TFS a mis en place :
– une bibliothèque de tissus incarnée dans un nouveau showroom (situé dans la province du Brabant flamand
– un inventaire digitalisé et plateforme de vente en ligne pour plus de 15 000 références textiles et mercerie en provenance de grandes marques de créateurs européens

La raison d’être de TFS s’illustre dans les mots de sa fondatrice : “Je souhaitais réconcilier économie circulaire et glamour en valorisant la réutilisation de tissus qui seraient autrement détruits ou revendus sans égards pour leurs qualités intrinsèques et leur potentiel créatif.”

Macro-environnement du textile haut de gamme

  • l’importance de l’identité de marque

L’idée du vêtement haut de gamme n’est pas associée de facto à celle du recyclage. “Dans la mode, cet aspect est encore rattaché aux boutiques de seconde main comme Les Petits Riens ou Oxfam en Belgique”, souligne Allison. Pour s’inscrire dans une démarche circulaire, on pourrait souhaiter voir les grandes maisons s’inspirer des pratiques de réemploi de la matière première. Mais la crainte d’entacher l’image de marque (leur “produit” le plus prestigieux) est palpable à l’instar de Burberry qui, en 2018, détruisait des produits d’une valeur chiffrée à près d’une trentaine de millions de livres. On observe néanmoins, dans le discours des marques de luxe, l’entrée timide d’un vocabulaire (“seconde vie”, “upcycling”…) qui va dans le bon sens.

  • l’émergence de nouveaux acteurs

Après la crise de 2008, le secteur du textile haut de gamme a vu apparaître de nouveaux acteurs aux profils plus variés et en quête d’autonomie. Du côté des marques, on peut citer Ireene, Janue Brussels pour la scène belge ou encore la styliste Marine Serre en France. En travaillant, depuis plusieurs années déjà, avec des matériaux recyclés ou des invendus, elles bousculent les codes établis de la mode.

Le panel des adeptes de la couture s’est, lui aussi, étoffé : “si le noyau dur de notre clientèle reste les dames de plus de 50 ans, la part des 24-35 ans est celle qui évolue le plus rapidement. En partageant ses créations sur les réseaux sociaux, cette nouvelle génération se revendique d’une personnalité créative” observe Elisa Cousseran, responsable de la communication chez TFS. En se positionnant comme fabric stylist, TFS souhaiterait animer davantage cette communauté de couturiers et couturières dès cette année.

Ces changements dans le paysage macro du textile de luxe inciteraient les acteurs traditionnels à prendre le tournant de l’économie circulaire. Si certains s’y aventurent, tous ne souhaitent pas le communiquer. Par exemple, pour collaborer avec une grande marque française, TFS a dû signer une clause de confidentialité. “Dans ce cas, notre travail est d’amener la marque à voir que cette action s’inscrit dans quelque chose de bon”. Allison remarque que de plus en plus de marques sont prêtes à associer leur nom à son entreprise comme Ines de la Fressange Paris : “c’est une façon de reconnaître que le recyclage devient une part nouvelle de leur business et de leur communication.”

The Fabric Sales : des solutions de stockage, d’inventaire et de vente

La volonté d’Allison, qui infuse dans TFS, est de fédérer, de créer des liens entre tous les acteurs du secteur. Des passionnés de couture aux jeunes marques de mode en passant par les maisons illustres. A l’image d’une bibliothèque qui réunit le lecteur et l’auteur autour d’une œuvre, clients et fournisseurs de textile se rencontrent dans la bibliothèque de tissus, virtuelle et incarnée, de TFS.

  • l’ouverture d’un showroom :

En 2020, TFS a ouvert un nouveau showroom (à Rotselaar) “à l’opposé du dépôt vente rébarbatif et de ses rouleaux de tissus inaccessibles”. Des milliers de références de tissus sont proposées sous la forme de larges échantillons, faciles à sélectionner et à manipuler. Une étiquette à scanner donne instantanément les informations de composition et les équipes de spécialistes conseillent et donnent des idées de créations adaptées au tissu. Cet espace est aussi pensé pour accueillir des expositions de créateurs ou d’artistes textiles qui sont autant de sources d’inspirations et de vecteurs de promotion de la réutilisation des textiles. 

Des cours, ateliers de couture et rencontres avec des personnalités de la mode seront également proposés dans le futur sur des thématiques comme le travail du cuir ou les problématiques de l’upcycling et de la réutilisation des tissus. 

  • le développement d’une base de données textile 

Conçu comme un inventaire digitalisé des stocks de textiles déposés par les créateurs, TFS répertorie toutes les informations utiles concernant la provenance, la composition et les possibilités d’utilisation afférentes. Ce travail, dûment illustré, permet de recenser les tissus existants et disponibles à la revente, et également de fonctionner comme une plateforme de vente, support indispensable pour la généralisation d’un fonctionnement circulaire dans l’industrie textile. 

Aujourd’hui, seulement 1% des vêtements produits est recyclé. Cette pratique circulaire doit être intégrée dans la démarche conduisant à un changement de modèle économique qui implique, in fine, de produire moins. 

Des initiatives vertueuses existent. Et, dans la bibliothèque de tissus de TFS, on trouve déjà ceux qui cherchent à partager leur passion pour le fil d’or tout en réduisant leur empreinte écologique.


Illustrations: Louise Doumeng

Sources :

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