Le jardinage est-il écologique ?

L’écologie est à la mode, et avec elle, le green washing. Dans les magasins, les pubs, les chaînes de fast food ; les labels plus ou moins sérieux poussent comme des champignons et tout le monde semble faire un geste pour la planète. Le milieu du jardinage n’est pas épargné, puisque d’ailleurs le jardinage c’est LA pratique écolo par excellence… Vraiment ? Le jardinage est-il écologique ?


Le jardinage est-il vraiment écologique ? 

« Faites un geste pour la planète en jardinant« , « Prairie mellifère pour sauver les abeilles« , « Cultivez vos tomates et sauvez la planète » j’en passe et des meilleures ! Le jardinage est à la mode, surtout depuis les confinements subis durant le covid, et les marques du secteur l’ont bien compris. Oui c’est vrai, on peut aider la biodiversité en jardinant, mais on peut aussi participer à un véritable désastre écologique et sanitaire. 

La pelouse de la discorde 

Quand j’étais petite, j’étais une vraie geek (je le suis toujours) et mon jeu préféré c’était les Sims. Ce que je préférais dans ce jeu, c’était créer des maisons, que je construisais sur de très grand terrain. Toutes mes maisons avaient le même jardin : une pelouse gigantesque bien verte, entourée d’une haie bien carrée. Parfois je mettais un arbre, type cerisier en fleur, mais rien de plus. Et cette image que j’avais du jardin parle d’elle-même : dans l’imaginaire collectif, un jardin c’est une pelouse verte et tondue et une haie. 

Il n’y a qu’à regarder autour de nous pour s’en rendre compte ! Dans mon quartier, la plupart des jardins se ressemblent : pelouse et haie de thuyas. C’est pareil partout, et ce qui me frappe encore plus, c’est que la plupart du temps ce sont des jardins qui ne profitent pas du tout à leurs propriétaires.

Ce type de jardin est le symbole de la nature dominée par l’humain, mais qui se retrouve finalement esclave de son jardin : tondre la pelouse et tailler la haie deviennent les seules activités liées au jardin. Quel dommage ! 

Petite histoire du gazon 

Pelouse vient du latin pilosus, qui signifie poilu. Les premières pelouses sont nées des prairies tondues en continu par le bétail au Moyen Âge, il faudra attendre le XVIIe siècle pour le gazon devienne un objet de prestige et de convoitise. C’est Le Nôtre, jardinier historique du roi Louis XIV, qui le mettra en scène dans les jardins du château de Versailles, et en fera un symbole de puissance et de réussite sociale. Qui a une belle pelouse tondue, a les moyens de la faire entretenir (et plus elle est grande, plus on a les moyens). 

Qu’est ce que le gazon ? 

Ce que l’on appelle gazon est en fait une ou plusieurs graminées, sélectionnées en fonction de l’usage que l’on va en faire. Il existe plus de 200 variétés de gazon, parmi lesquelles le fameux ray-grass anglais, mais aussi le pâturin, la fétuque… 

Pourquoi le gazon est une aberration écologique ? 

Le gazon est un gourmand : en eau, en engrais, en énergie (hello la tondeuse et le coupe-bordure). Je ne préfère même pas m’étendre sur la façon dont celui-ci est cultivé pour arriver en beaux rouleaux chez vous : Vive la monoculture de gazon 

Le gazon c’est aussi un désert écologique. Il ne nourrit pas le sol donc ne bénéficie pas à la biodiversité sous-terre, et à la surface il n’a aucun intérêt : pas de fleurs pour les pollinisateurs, pas d’abri, pas de nourriture. C’est vert, mais c’est mort. 

Gazon et jardinage écologique, un amour impossible ? 

Évidemment, le gazon c’est bien pratique, et il n’est pas question ici de faire disparaître chaque parcelle de pelouse. C’est simplement de se poser la question : « Ai-je besoin de zone de pelouse ? » « Si oui, de quelle surface est ce que j’ai besoin ? » 

La pelouse doit être limitée aux zones de jeux, de détente, et être remplacée ailleurs par des arbres, des arbustes et des massifs de fleurs vivaces et annuelles. 

Vous pouvez aussi diversifier les espèces qui la composent, en choisissant des mélanges écologiques ou en ajoutant du trèfle, du lotier corniculé, des pâquerettes et pourquoi pas… des pissenlits ? 😱 😂

Enfin réduisez autant que possible l’usage de la tondeuse, on ne jugera pas votre réussite sociale par rapport à la hauteur de votre gazon… 

Pratiquer la tonte écoresponsable 

Tondre oui, mais mieux ! Pour préserver la biodiversité animales et végétales, vous pouvez tondre 2 à 3 fois par an : une ou deux fois à la fin du printemps (pas avant la fin du mois de mai !), une fois à la fin de l’automne. Vous pouvez éventuellement tondre plus fréquemment les chemins, mais pensez toujours à garder des zones refuges. Les zones refuges sont des zones non tondues jusqu’à la fin de l’année. Tondez de l’intérieur du jardin vers l’extérieur pour permettre aux insectes de s’échapper. 

Afin de préserver votre gazon et votre sol durant l’été, évitez de tondre pour garder un maximum d’humidité au niveau du sol. 

Enfin, réglez votre hauteur de tonte à 5 cm minimum. Préférez les tondeuses mulcheuses qui permettent de broyer la tonte et la laisser au sol, ce qui permet de le protéger et le nourrir. Cela évite aussi de transformer un précieux paillage en déchet de plus à brûler ou enterrer à la déchetterie. 

Un jardin plein de fleurs, et de plastique 

On le sait, le plastique est partout : dans nos maisons, nos vêtements, notre nourriture, notre eau… Et le jardin n’est pas épargné ! Bâche, outils, pots, plaques de semis, arrosoirs, sacs de terreau et paillage, serres… les objets en plastique sont innombrables dans le milieu du jardinage. 

Pratiquer un jardinage écologique en minimisant l’usage du plastique 

Le plastique est inévitable dans la pratique du jardinage, j’en utilise moi-même. Ma serre est en plastique, mon châssis a des « vitres » en plastique, je cultive mes plants dans des pots en plastique, mes arrosoirs sont en plastique… J’essaie cependant de recycler au maximum, en réutilisant pour mes semis ou boutures les pots des plants achetés en jardinerie, ou en me procurant une partie du matériel en seconde main. 

Je limite aussi mes achats de substrats et paillage en utilisant les ressources que j’ai sur place. J’utilise au maximum les tontes de gazon (souvent de la poubelle verte de mes voisins), les feuilles et le broyât pour couvrir mon sol. Je m’approvisionne en fumier dans l’écurie où je monte (n’hésitez pas à contacter les centres équestres et écuries qui ne savent souvent pas quoi faire de tout le fumier produit chaque jour) et nous avons un bac à compost au jardin. 

Le plastique est pratique, mais pas durable 

Les objets en plastique sont peu chers : les pots en plastique ne coûtent rien alors qu’un beau pot en terre cuite coûte plusieurs dizaines d’euros, une serre en verre est très chère mais elle durera toute la vie ! Il est tentant de choisir le moins cher, c’est ce que j’ai fait pendant longtemps. Sauf que le plastique pas cher, ça casse, ça se déchire, ça finit en micro particules dans le sol… Bref, c’est pas génial. Misez sur la qualité durable, même si c’est un peu plus coûteux sur le moment ! 

Le terreau, désastre écolo 

Pour comprendre ce qu’est le terreau, il faut regarder sa composition. La plupart du temps, on y trouve de la sphaigne, de la tourbe, du compost, du fumier, des fibres végétales, du sable et de l’argile. Si vous choisissez le terreau le moins cher de la jardinerie, vous tomberez peut-être sur un clou ou des morceaux de plastique (ça m’est arrivé 😤 ). 

Le terreau est bien utile pour réaliser des semis et planter en pot, mais la tourbe qu’il contient en fait un ennemi de l’écologie

Un des matériau qui pose problème dans la composition du terreau, c’est la tourbe. La tourbe est un élément naturel fossile résultant de l’accumulation de matières organiques mortes dans les milieux humides. Elle est extraite des tourbières, des zones humide extrêmement riches en biodiversité. Son usage est donc une catastrophe écologique qui participe à la destruction des tourbières et de leurs écosystèmes, et qui génère beaucoup de pollution liée à l’extraction, mais aussi au CO2 libéré du sol et rejeté dans l’atmosphère. 

Il existe aujourd’hui malheureusement très peu de terreaux sans tourbe, et il est essentiel que les consommateurs prennent conscience du problème pour encourager les producteurs de terreau de changer la composition de leurs produits.

Moderato sur l’eau 

« Pssschhhtt pssscccchhht pssscchht » non, ce n’est pas le bruit des criquets en été, c’est le bruit des arroseurs automatiques programmés matins et soirs pour arroser les pelouse et les massifs ornementaux des parcs et jardins. En 2023, à l’aube d’une crise mondiale de l’eau potable et alors que les nappes phréatiques sont au plus bas, la vente de tuyaux d’arrosage et de programmateurs explose en prévision de la sécheresse… 

-Réduire notre consommation d’eau au strict minimum 

Un jardinage écologique commence par une utilisation minimale, voire nulle, de l’eau potable. Les solutions sont nombreuses : récupérateurs d’eau de pluie, paillage, oyas… On ne peut plus se permettre aujourd’hui d’arroser nos pelouses pendant des heures avec un arrosage automatique ! Sans compter que ce système d’arrosage gaspille énormément d’eau qui s’évapore avant même de toucher le sol. 

Pas besoin d’arroser, une pelouse non tondue (à droite) garde toute l’humidité au niveau du sol

Adapter nos jardins aux changements climatiques 

Ce n’est pas en arrosant plus que nous allons sauver nos jardins. Nous devons les rendre résilients en choisissant des plantes plus résistantes, et réellement adaptées à notre climat. A moins d’avoir un jardin d’ombre, il est nécessaire aujourd’hui de se tourner vers des plantes qui nécessitent peu ou pas d’arrosage, et s’adapteront aux sécheresses à venir. 

Pour savoir comment adapter votre jardin aux changements climatiques, vous pouvez lire cet article

Nature morte 

« Piègez les limaces » « Eradiquez les pucerons » « Débarrassez vous des guêpes » « Tuez les frelons » la biodiversité s’effondre, et on cherche encore des moyens de tuer tout ce qui bouge dans nos jardins. On voudrait un jardin avec uniquement des coccinelles et des papillons… Alert spoiler : ce n’est pas possible. 

Les limaces sont des plaies… Mais elles font partie de l’expérience du jardinage 🙄  

Oui les limaces sont pénibles, je suis moi-même très énervée quand elles mangent sans pitié mes semis tout juste repiqués. Pareil pour les guêpes, j’ai déjà été piquée et ça va surement se reproduire dans ma vie, mais ce n’est pas une raison pour mettre des pièges partout dans le jardin. A chaque fois que vous allez intervenir dans un écosystème avec des produits ou autres pièges, vous allez dérégler l’équilibre fragile de votre jardin, et à plus grande échelle, du monde. Les insectes, les oiseaux, les poissons, les hérissons et bien d’autres êtres vivants disparaissent de notre planète à cause des pesticides. Pourtant les agriculteurs voulaient juste éliminer quelques pucerons à la base… 

Nous devons apprendre à cohabiter avec tous les êtres vivants de nos jardins, pigeons et araignées compris. Lâchez prise et vous verrez que tout ira bien ! 

Pour pratiquer un jardinage écologique, vérifiez l’origine de vos plantes 

Connaissez-vous la provenance et le mode de production de vos plantes ? La plupart des plantes vendues sur les marchés et dans les jardineries sont produites dans des serres chauffées, à grands renforts d’engrais et de pesticides. 

Lors de mes aménagements, je choisis mes fournisseurs avec soin (quand je ne produis pas moi-même les plantes). Cela me permet d’être sûre de ne pas intégrer des plantes bourrées de produits chimiques dans vos jardins, et de vous proposer des plantes déjà acclimatées et donc plus résistantes. 

Consommées la plupart du temps comme des objets de déco et non comme des êtres vivants avec des besoins, les plantes sont achetées peu chères, meurent plus ou moins longtemps après leur achat et sont remplaçables à l’infini. Autant vous dire que ce n’est pas une façon très durable de jardiner… 

Quelques conseils pour réduire l’impact écologique de vos plantes :

  • Faites vos propres semis 
  • Achetez vos plantes auprès de pépinières durables comme La Pousse qui Pousse à Saint Gilles 
  • Choisissez un maximum de plantes adaptées à votre environnement et votre climat 
  • Privilégiez les plantes vivaces ou annuelles qui se ressèment naturellement (coquelicots, bourrache, capucine…) 
  • Faites du troc ! Grâce aux réseaux de quartier ou sur Facebook, il est très facile de trouver d’autres jardiniers avec qui échanger des plants ou des graines

Evidemment cet article n’a pas vocation à faire culpabiliser qui que ce soit, mais plutôt à faire prendre conscience de l’impact de notre activité, aussi verte soit-elle ! Pour vous aider dans votre démarche et votre apprentissage du jardinage écologique, je vous recommande ces trois articles : 

Et si vous souhaitez repenser votre jardin pour le rendre plus résilient et accueillant pour la biodiversité, n’hésitez pas à me contacter ou jeter un coup d’oeil à mes offres 👩‍🌾

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Photos: Victoria Parisot