L’artiste du mois : Cécile Deglain

Cécile Deglain est notre nouvelle artiste du mois! Dans son travail, elle n'hésite pas à mélanger les genres, entremêle photographies et crayonnés, images figuratives et aplats de couleur, l'analogue et le digital. Inspirée par des peintures classiques ou des objets ramenés de voyages, elle en tire des images étonnantes, colorées, texturées. Rencontre avec une artiste haute en couleurs!


Quel est ton processus de création ?

Mon processus créatif est comme une aventure où chaque illustration est une surprise. Je fais rarement des story-boards et je me laisse guider par ce qui vient au fur et à mesure que je découvre les textes qui me sont donnés. Il y a d’abord une phase de brainstorming assez sauvage où je laisse venir toutes les idées en flânant sur internet, dans les livres et magazines, et en m’inspirant de tout ce qui me passe sous la main. Enfant, je pensais n’avoir aucune imagination, et c’est en observant et en recopiant ce que je voyais, en assemblant des éléments réalistes, en laissant de la place au hasard et à l’inconscient, que j’ai peu à peu constitué un univers qui me plaît et un réservoir de pistes créatives. Visuellement, j’aime entremêler des éléments figuratifs avec des images ou des fonds plus abstraits, des paysages inventés à partir de taches de peinture, d’aplats ou d’accidents. Je crée souvent des effets de transparence. Je me dirige naturellement vers un univers graphique coloré et poétique, aux couleurs fauves, où des éléments réalistes, photographiques, parfois surgis du passé ou en référence à des artistes célèbres (comme Botticelli), se rencontrent dans des paysages créés à partir d’une palette de couleurs et de textures/matières qui me plaisent. J’intègre souvent des personnages à mes images, parfois seuls face à l’immensité. J’essaie de garder une spontanéité graphique, en laissant une grande place à l’imprévu dans mon travail créatif, et je privilégie naturellement le mélange de techniques. J’aime passer du papier au digital, du crayon ou du bic à la peinture, de l’aquarelle à l’acrylique. Tout cela, agencé sous forme de calques et de couches successives, forme mes illustrations finales. Depuis quelques années, je travaille beaucoup sur iPad Pro avec l’application Procreate, mais j’ai envie de revenir davantage à la pratique sur papier !

Comment trouves-tu l’inspiration dans ton quotidien ?

Je suis très inspirée par le monde végétal, la nature, les animaux, les musées et expositions, les voyages dont je ramène des photos que j’exploite, la mer et la montagne, certains films dont j’aime les plans et les cadrages, les motifs textiles, et je suis sensible aux contrastes créés par la lumière du jour. J’ai des dizaines de carnets dans lesquels je dessine depuis plusieurs années. À l’époque, je passais énormément de temps le nez dans des magazines dont je découpais des fragments de photos, ou dont je redessinais des éléments qui capturaient mon attention et qui me servaient de base pour imaginer des illustrations. Il me suffit de voir une association de couleurs qui me parle, une forme ou une composition qui m’inspire ou suscite une émotion, et c’est parti ! Je pars du principe que tout peut être une source d’inspiration, c’est surtout une question de regard. Quand j’étais étudiante en arts à Saint-Luc, nous avions dû faire un reportage en peinture acrylique (peindre des scènes d’après nature). Comme sujet, j’avais choisi les poubelles et ça avait bien marché ! Aujourd’hui, je passe pas mal de temps sur Instagram ou Pinterest (peut-être trop), où certaines images peuvent me donner des pistes de création. C’est souvent un mélange de toutes ces choses qui composent mes illustrations finales. Je suis assez fan du mouvement surréaliste, des dadaïstes, des Nabis, du style décoratif japonisant et des peintres romantiques, de la Renaissance, et plein d’autres artistes et illustrateurs qui m’inspirent énormément au quotidien : Monet, Max Ernst, Hopper, Vuillard, Félix Vallotton, Matisse, Bonnard… Certains illustrateurs que j’admire m’accompagnent dans mon quotidien créatif. Je suis aussi souvent inspirée par des textes philosophiques. Le dernier livre jeunesse que j’ai illustré aborde les thèmes de la philosophie et de la musique.

Quels sont tes projets alternatifs bruxellois coup de cœur ?

C’est à Bruxelles que j’ai grandi et fait mes études (à l’ESA Saint-Luc, option Illustration), mais je n’y vis plus depuis bientôt dix ans. D’un point de vue artistique, j’aimais beaucoup les projets du collectif Cuistax et du CreamhBxl, ainsi que la galerie/salle de concert Art Base (en face du musée de la BD), dans laquelle j’étais impliquée en tant qu’organisatrice d’expositions collectives.

De temps en temps, je participais à des cours de dessin/modèle vivant collectifs animés par un dessinateur, sous forme de jeu « Le jeu du dessin », avec des consignes bizarres pour sortir de nos routines (dessiner avec un œil fermé, sans regarder sa feuille, à deux mains, sur la feuille de son voisin, le plus grand ou le plus petit possible sur la feuille…). Nous nous retrouvions au Théâtre de la Vie, à Saint-Josse, et posions à tour de rôle.

D’un point de vue écologique, je faisais partie d’un GAS (groupe d’action solidaire). Chaque semaine, nous recevions notre panier de légumes bio directement d’un producteur, Denis, qui venait déposer nos paniers dans un bar à Saint-Gilles. On en profitait pour boire un verre et échanger nos bonnes recettes avec les autres membres du groupe. C’était particulièrement utile en hiver quand il y avait plein de choux dans les paniers et que nous étions en panne d’idée ! J’ai également visité il y a quelques années le potager Le Kauwberg à Uccle. J’ai trouvé cet endroit incroyable, tant par sa taille que par sa biodiversité. Je me suis baladée dans des zones boisées et des prairies. Il faisait beau et on pouvait découvrir une diversité très importante, les parcelles de potagers étaient magnifiques, c’était luxuriant à cette époque de l’année. Apparemment, Le Kauwberg héberge des papillons rares et des dizaines d’espèces d’abeilles sauvages. Je retourne régulièrement à Bruxelles et c’est toujours une bonne surprise de découvrir de nouvelles pistes cyclables, des nouvelles zones aménagées dans les quartiers durables, des espaces en friche ou des zones Natura 2000.