Comment favoriser les circuits courts? Payer en monnaie locale est une des réponses possibles. Lancée au début de l’année, la Zinne est la monnaie locale bruxelloise née de l’initiative d’un collectif de citoyen.nes. Faire ses courses, aller boire un verre, participer à un atelier de création de produits d’entretiens naturels ou à un cours de danse, acheter des objets d’artisanat ou s’habiller en vêtements de seconde main, tout est payable en Zinne! Antoine, membre de l’asbl Zinne, nous explique comment ça fonctionne.
Une monnaie citoyenne, qu'est-ce que c'est ?
La Zinne est une monnaie locale, complémentaire et citoyenne. C'est une monnaie qui va s'échanger au sein d'un réseau défini (pour la Zinne : les 19 communes bruxelloises), et qui est gérée par des citoyen·nes. Elle est complémentaire à l'Euro, c'est-à-dire qu'elle ne remplace pas l'Euro mais fonctionne à côté de celle-ci. 1 Zinne = 1 Euro
Cette monnaie a notamment l'objectif de stimuler une économie locale et durable, de réinstaurer de la solidarité dans les échanges, de créer davantage de liens et de contrer les effets néfastes de la spéculation financière.
C'est une démarche participative de réappropriation de la monnaie comme vecteur de changement économique et social. En effet, quand on dépense 1 €, on ne sait pas où va cet euro, la plupart du temps dans la spéculation financière. Cet euro sort donc du circuit local, régional ou même fédéral. Quand on dépense 1 Zinne, on sait que cette Zinne va rester à Bruxelles et profiter à l'économie réelle bruxelloise.
Quelles ont été vos motivations pour lancer la Zinne? Quelles ont été vos inspirations ?
Il existe déjà 13 autres monnaies citoyennes en Wallonie, et plus de 5000 dans le monde. Il fallait que Bruxelles suive ce mouvement !
Nous avons eu l'expertise des autres monnaies locales pour nous aider dans la construction de la Zinne, notamment le Val'heureux (monnaie citoyenne de Liège). Après, chaque monnaie à ses spécificités, et le territoire de Bruxelles est très large.
Nous avons aussi pris l'inspiration du côté de Bristol, qui a une des monnaies complémentaires les plus importante.
En plus, chaque citoyen·ne qui fait partie du projet a pu apporter ses expériences, ses savoirs pour en faire ce qu'elle est aujourd'hui.
La motivation première était de pouvoir se réapproprier un outil financier et en faire profiter les bruxellois·es tout en développant un réseau de prestataires de biens et de services vertueux.
Le gros challenge était aussi de faire oublier l’Eco-Iris, une monnaie alternative lancée il y a quelques années à Bruxelles mais qui n'avait pas du tout le même objectif que la Zinne, et qui n'était notamment pas citoyenne.
Comment fonctionne cette monnaie concrètement ?
Le but de la Zinne est de faire une boucle économique. Par exemple : vous achetez votre pain en Zinne auprès de votre boulanger, le boulanger va acheter sa farine en Zinne auprès de son fournisseur, le fournisseur va aller manger dans un restaurant qui accepte la Zinne, qui va lui-même acheter son pain en Zinne.
Concrètement donc, les personnes peuvent aller échanger des Euros contre des Zinnes dans des comptoirs de change (il y en a pour le moment 37 à Bruxelles). Une fois les Zinnes en poche, ils peuvent aller les dépenser chez tous les partenaires (commerces, restaurant, lieux culturels...). Il y en a pour le moment 140 et ça ne cesse de grandir !
La Zinne est gérée par des citoyen·nes bénévoles. Nous sommes répartis en locale (par commune), afin d'aller démarcher les futurs prestataires. Nous nous réunissons également lors de différents groupes de travail et lors d'une coordination régionale, pour faire avancer ensemble le projet !
Pourquoi est-il important de favoriser les monnaies citoyennes ?
C'est un véritable outil de transition. On s'habitue de plus en plus à favoriser le local, les petits commerces etc. C'est très bien et la Zinne peut aider dans ce processus. En effet, pour être dans le réseau de la Zinne, il faut respecter une charte qui définit certains aspects fixés par les citoyen·nes : respect de l'environnement et de l'humain, finalité social, favoriser le commerce local, le bio, l'artisanat... Bref, contribuer à une société plus vertueuse. Vous savez donc qu'en allant dépenser vos Zinnes, vous le faites dans des établissements qui respectent certains critères.
En plus de cet aspect, les monnaies locales permettent vraiment de se réapproprier la notion d'argent. En payant en Zinne, on sait qu'elle va rester dans l'économie réelle et locale, plutôt que d'aller dans la spéculation. On comprend mieux les enjeux liés aux échanges monétaires.
Enfin, c'est une manière de renforcer la participation citoyenne et donc les liens entres les habitants de Bruxelles, mais aussi de créer des liens avec les prestataires de biens et services ! Cette participation et ces échanges permettent de créer une société plus résiliente.
Dans quels types de commerce est-il possible de payer en Zinne?
Notre réseau est de plus en plus vastes, cela va de la brasserie au restaurant, en passant par des épiceries, des lieux culturels, des cafés, des magasins d'objets ou des prestataires de services.
Le plus simple est d'aller voir sur notre site web. Tous nos partenaires s'y trouvent !
Quelles sont vos attentes par rapport au futur de la Zinne?
La Zinne étant une monnaie citoyenne, elle est toujours en évolution et en construction. Ce sont les citoyen·nes qui font la monnaie ! Nous avons donc différents groupes de travail qui travaillent au futur de la monnaie, en peaufinant les critères d'adhésion, en mettant en place une gouvernance au sein du groupe (nous sommes plus de 60 personnes impliquées bénévolement dans la gestion de la Zinne), et en travaillant avec les lieux partenaires pour mieux comprendre leurs attentes.
Nous sommes d'ailleurs toujours à la recherche de forces vives pour nous rejoindre dans l'aventure !
Nous espérons donc pouvoir faire grandir le réseau et que de plus en plus de personnes utilisent la Zinne dans leurs achats quotidiens.
Illustrations : Bihua Yang