La Minute Sauvage : découvrons la nature à côté de chez nous

Minute papillon ! Et si on prenait le temps de La Minute Sauvage pour porter un regard nouveau sur la faune locale ? On sillonne le plat pays avec Thomas Jean, photographe et vidéaste animalier, qui nous invite à l’émerveillement et à réfléchir à l’évolution du territoire et son impact sur la faune sauvage.


En quoi consiste ton travail de photographe animalier en milieu urbain ?

J’ai grandi à Bruxelles et depuis gamin j’ai appris à observer la faune sauvage. En famille, on passait beaucoup de temps dans les parcs urbains et dans la forêt de Soignes. […] A mes 14 ans, j’ai eu mon premier argentique et, en quelques années, je me suis spécialisé dans la photographie de la faune locale, celle que l’on est susceptible d’observer près de chez soi.

La photographie que je pratique à Bruxelles est différente de celle dans les Ardennes, par exemple. Ici, je dois composer avec les promeneurs, les bruits de la ville, etc. Les animaux, habitués à la présence humaine, ont une distance de fuite réduite, ce qui est à mon avantage. […] Mais, du fait même de cette agitation, ils ont appris à se cacher et à sortir la nuit. Pour moi, qui réalise presque toutes mes photos de jour, ça rend mon travail de photographe animalier plus compliqué. La première photo que j’ai réussi à faire d’une chouette hulotte date d’il y a trois mois seulement ! 

En plus du brouhaha citadin, le lieu d’observation n’est pas toujours facile d’accès car les espèces sont généralement présentes dans les jardins des particuliers ou sur les sites des entreprises. Pour la chouette hulotte, j’ai dû aller sonner chez des gens ; la démarche est assez cool car ça permet de sensibiliser les personnes directement sur le terrain et aussi de recueillir énormément d’informations.

La Minute Sauvage, c’est quoi ?

C’est le partage de ma passion pour la faune sauvage en milieu urbain via des capsules vidéos, disponibles sur ma chaîne Youtube. 

Il y a quatre ans, j’ai lancé La Minute Sauvage par envie et aussi pour me créer des opportunités professionnelles davantage en lien avec ma personnalité, avec mon histoire. Du fait d’avoir observé la nature en ville depuis près de 30 ans, je me suis rendu compte de l’évolution du territoire et de son impact sur la faune sauvage. 

Aujourd’hui, La Minute Sauvage évolue vers une forme de sensibilisation du grand public.

On a intérêt à préserver ce qu’il reste de nature sauvage à Bruxelles si on ne veut pas perdre quantité d’espèces animales et végétales, ce qui aurait un impact désastreux pour notre environnement et donc pour les bruxellois eux-mêmes. 

Photo: La minute sauvage

L’intelligence collective au service de la biodiversité

De ce constat plutôt négatif apparaît une note d’espoir : la population est en train de se fédérer autour d’initiatives citoyennes. 

Sur ces questions qui ont un impact direct sur la population locale, on peut s’organiser, se structurer pour agir dans le cadre de la biodiversité […] et préserver une espèce ou un site spécifique ; il y a les exemples de la Friche Josaphat, le Donderberg, le Marais Wiels, etc.

En discutant avec les riverains et les présidents des comités de quartiers, on se rend compte que beaucoup de zones vertes ont été préservées grâce à ces initiatives citoyennes. Et aujourd’hui les riverains en bénéficient, bien souvent sans le savoir, comme c’est le cas du parc Tenbosch à Ixelles.

[…] Face à l’argument du point de non-retour, qui forcerait les politiques à agir afin de préserver les derniers espaces et espèces vivantes, j’entrevois plutôt le risque de sanctuarisation de ces zones, sans plus d’accès possible à la population.

Plutôt que d’attendre, agissons dès à présent et réjouissons-nous que la nature soit résiliente ; cela permet des effets bénéfiques à court terme et donc visibles de notre vivant.

[…] Bruxelles, étant déjà reconnue comme l’une des villes les plus vertes d’Europe, on pourrait aller plus loin en misant sur cette richesse. J’envisagerais Bruxelles comme une “ville nature” ce qui favoriserait, entre autres, un environnement viable pour la population.  Et à horizon 2050, la ville gagnerait en attractivité via le tourisme vert par exemple. J’y vois plusieurs avantages sur le plan environnemental, économique, sanitaire, …

Quelles sont les initiatives citoyennes qui te tiennent à cœur ?

Pour moi, une initiative citoyenne est crédible à partir du moment où elle est mise en place et organisée par des personnes compétentes sur les questions abordées. Via ma photographie et un relais actif sur les réseaux sociaux, je soutiens deux projets depuis plusieurs années :

Il y a le Collectif Sauvons la Friche Josaphat qui œuvre à la préservation de la biodiversité. Des naturalistes hors pairs, qui sont aussi et surtout des citoyens de la ville, recensent les espèces présentes, établissent des diagnostics sur l’état de la friche et organisent des actions pour préserver cette zone, hot spot pour une multitude d’espèces animales et végétales, indigènes, et exceptionnelles.

Une autre initiative qui a connu un bel accueil du public : les Groupes Moineaux qui préservent cette espèce. A Bruxelles, les Amis des Moineaux sont nombreux et il n’y a pas de petites actions : il peut s’agir de végétaliser une façade ou d’installer un nichoir intégré à celle-ci, de créer une zone refuge où il y aura des insectes en période de nidification, de déboucher les trous de boulin (visibles sur le haut des immeubles bruxellois) pour créer une cavité dans laquelle le moineau pourra nicher, etc. Des actions, il y en a plein et elles sont accessibles à tous.

Quel est ton rôle dans ce fourmillement d’actions collectives ?

J’estime que ma responsabilité est de vulgariser les problématiques liées à la préservation de la biodiversité pour que le grand public puisse se les accaparer. 

Dans mon travail de photographie animalière, je n’assumais pas de présenter la nature uniquement sous le prisme de l’émerveillement. Le constat que l’environnement est en danger et que nous, citoyens, pouvons agir, se retrouve dans mon livre “Coexistence”*. Photos et textes illustreront la relation que l’on a avec l’animal sauvage, et la nature de manière générale, pour inviter le lecteur à l’envisager d’une façon nouvelle.

L’humain n’est pas là pour disposer de l’environnement à sa guise, il doit s’y adapter et peut le faire avec les ressources déjà existantes. 

Photo: La minute sauvage

En attendant de découvrir tes photographies dans les centres culturels bruxellois (à horizon 2022), quelles sont les espèces que nous pourrons observer pendant ces mois d’été ?

Le mois de juin reste la période de nidification et de reproduction donc on peut observer les mésanges, par exemple, qui font une centaine d’allers-retours par jour vers leur nid ! 

Il y a aussi le faucon pèlerin qui niche sur les hauteurs de la ville pour avoir une vue à 360°. En général, il a du goût et s’installe au niveau des maisons communales (celle de Schaerbeek), des cathédrales (Sainte Gudule),etc. Bruxelles compte 12 couples et, en été, les jeunes vont graviter autour du nid pendant que les adultes chasseront leurs proies…avec une pointe de vitesse pouvant atteindre les 400 km/h !

Les jeunes mammifères, comme les renardeaux, sortis du terrier et qui auront acquis un peu d’assurance se baladeront aussi dans les rues et les jardins de notre ville.

Enfin, très accessible, les libellules et les papillons autour d’un point d’eau ou sur une zone herbacée.


* Livre photographique “Coexistence” : disponible en précommande ici jusqu’à fin juin et à paraître à partir de septembre 2021.