Le cas du pangasius – Savons-nous ce que nous mangeons?

Été 2017

Le 23 janvier 2017, Carrefour Belgique a fait part de sa décision de renoncer à l'approvisionnement du pangasius avec pour conséquence la suspension de la vente de ce poisson dans l’ensemble de ses enseignes. Portant sur le conditionnement tant frais que congelé, ce retrait se fonde du point de vue de la chaîne de supermarchés essentiellement pour des raisons liées à l'impact du pangasius sur l'environnement, comme la contamination de l'eau suite à l’accumulation d'excréments ou de déchets alimentaires.

Sur le plan numérique, le pangasius hypophthalmus constitue l'une des principales espèces de poissons vivant dans le fleuve Mékong en Asie, tandis que celui-ci compte parmi les pêcheries continentales les plus importantes au monde. Si la consommation de Pangasius s'est généralisée sur le continent européen en raison de son faible coût de production, la mauvaise réputation du pangasius est cependant loin d'être récente, avec entre autres facteurs invoqués une faible valeur nutritionnelle ainsi que les conditions environnementales de sa production.

Évaluée entre 9 et 12% pour 100 grammes par les experts en nutrition, la teneur en protéine du Pangasius est en effet considérée comme fort basse puisqu’elle avoisine la moitié de celle contenue dans d'autres poissons blancs comme la morue qui détient à elle seule près de 18% de protéines.

Ainsi qu'il en va pour de nombreuses espèces produites de façon massive, l'habitat en captivité de ces poissons génère par ailleurs de nombreux résidus qui dérivent de leur alimentation et excréments ainsi que des composés chimiques utilisés afin d'éviter parasites et maladies. Tout ceci provoque des altérations dans les zones d'élevage ainsi que dans les aires environnantes, comme l'acidification de l'eau ou l'épuisement des ressources biologiques.

Été 2017

Ces problèmes sont toutefois loin de constituer l'exclusivité du Pangasius : moins connues du grand public, d'autres espèces comme le Tilapia ou la Perche se voient en effet tout aussi critiquées pour leur faible rendement en termes de durabilité environnementale, sans parler de leur maigre teneur en protéines et acides gras oméga-3 comparé à d'autres espèces.

Mettant les données en perspective, l'ONG World Fish indique qu’en 2010, la pisciculture sollicite près de 2% des réserves en eau pour 1% de l'ensemble des terres agricoles au niveau mondial, laissant supposer un moindre impact environnemental face aux autres secteurs de production alimentaire comme la viande ou la volaille. Les experts soutiennent cependant que les pratiques mobilisées dans le secteur de la pisciculture n'ont jamais été des plus adéquates, et sont d’ailleurs dans certains cas encore loin de l'être. Alors même que l'industrie essaie de se tourner vers toujours plus de durabilité.

D’autant plus que selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), la contribution en 2014 du secteur piscicole dans l'approvisionnement en poissons dédié à la consommation humaine est pour la première fois supérieure aux quantités de poissons pêchés dans la nature.

Prendre connaissance pour pouvoir décider

Récemment publiée par la Commission Européenne, une étude révèle qu’au moment d’acheter du poisson les consommateurs européens se préoccupent en premier lieu de son apparence plutôt que du prix et finalement de son origine. Dans le cas de la Belgique, près de 14% des personnes interrogées reconnaissent ignorer si les produits qu'ils achètent et mangent proviennent de la mer ou de l'aquaculture.

Aussi, lorsque les grandes chaînes de supermarchés lancent des actions comme celle évoquée plus haut, même si elles arguent que l'objectif poursuivi est l'amélioration de la qualité des produits offerts, il convient de se demander néanmoins si elles s'engagent réellement auprès des principes défendus ou si en réalité ceci cache plutôt une stratégie marketing visant à gagner du terrain face à leurs concurrents.

Il est d’ailleurs curieux qu'en certaines occasions l'accent soit placé sur les questions environnementales, alors même que ceux qui dénoncent gaspillent plastiques et conditionnements à foison. Ils oublient d’ailleurs au passage d'indiquer l'empreinte carbone des produits vendus et n’observent pas la même logique pour d’autre aliments qui génèrent eux aussi des risques importants pour notre santé ou l’environnement.

En outre, il apparaît discutable que soit omise toute information pertinente pour le consommateur sur l'étiquetage des produits comme l'utilisation d’une main d'œuvre esclave dans la production des aliments.

Dans ce registre, il convient de souligner la campagne de conscientisation “11.11.11” lancée en Belgique par le Centre national de Coopération au Développement partant du scandale dénoncé dans les colonnes du journal britannique The Guardian qui dénonçait la production de crevettes en Thaïlande, à savoir une pêche issue d'esclaves birmans et cambodgiens ensuite vendue dans les supermarchés européens. Ce cas illustre des pratiques que le consommateur a pour habitude d'ignorer or ce sont les médias ainsi que la société civile qui eux-seuls peuvent faire pression sur les autorités comme sur les entreprises en vue d’éradiquer ces dernières.

Au fil des années, les chaînes d'approvisionnement d'aliments se sont globalisées et complexifiées or il s'avère de plus en plus difficile de comprendre tous les processus par lesquels passe un produit en amont de sa commercialisation finale.

À ce titre, environs 90% des produits de la mer consommés en Belgique sont importés tandis que près des deux tiers des-dits produits sont de provenance européenne.

Garantir la traçabilité adéquate tout au long de la chaîne d'approvisionnement s'avère d’ailleurs chaque fois plus complexe; aussi, il est important de prendre des décisions de manière réfléchie en vue de déterminer quelles sont nos préférences ou priorités au moment de choisir ce que nous mangeons.

Été 2017

Si l'on est réellement intéressé de savoir si un aliment contient des OGM, de l'huile de palme, des pesticides, des polluants ou autre, il nous faut lire l'étiquette et acheter ailleurs faute d'être convaincu.

Il ne s'agit bien entendu pas de devenir fou avec tout ceci mais plutôt d'essayer de manger varié, de prendre en compte le commerce de proximité tandis qu'il peut de temps en temps s'avérer utile de se rapprocher de la campagne ou de la mer pour se rappeler que notre alimentation n'apparaît pas de façon spontanée dans un supermarché.

Qu'est ce qui est étiqueté sur les produits de la mer ?

Information obligatoire :

Depuis décembre 2014, il existe une législation européenne obligeant les acteurs de l’industrie alimentaire à indiquer une information précise sur les produits de la pêche et de l'aquaculture destinés aux consommateurs (à l'exception des produits de la pêche comme les préparations et les conserves de poisson). Cette information peut être consultée à travers le lien ci-dessous:

* Guide de poche des nouvelles étiquettes de l'Union européenne apposées sur les produits de la pêche et de l'aquaculture à l'intention des consommateurs – Source Commission Européenne

Information volontaire :

Sur l'étiquetage des produits de la pêche et de l'aquaculture peut également se trouver indiquée toute information complémentaire, ici mentionnée à titre volontaire, comme la date de capture ou de débarquement, la valeur nutritionnelle ainsi que des données d’ordre écologique, social ou éthique, voire des techniques relatives au mode de production.

Certifications privées:

Visant à confirmer que les produits de la mer se caractérisent par un certain mode de production ou à garantir la composition de ceux-ci, ce type de certifications tend à proliférer ces dernières années et concernent aussi bien. Au sein de l'UE, il n'existe actuellement aucun système européen de certification public, le plus étendu à cette date étant le MSC3 (pêche sauvage) ou l'ASC (pour l'aquaculture).

 Vous trouverez plus bas un lien permettant d'accéder au “Guide de poisson durables” qui offre des clés intéressantes à prendre en compte lorsque vos achetez du poisson.

* Guide de poissons durables – Source Environment.brussels.

Traduction : Julia Kundler

Illustrations : Amélie Fenain