L’artiste du mois: Ninon Mazeaud

Artiste pluridisciplinaire, NINON MAZEAUD se décrit comme « une conteuse militante des quotidiens ». Passionnée et engagée dans la lutte pour la justice sociale, ses dessins témoignent, quelle que soit la technique utilisée, d’une force et d’une spontanéité qui lui sont propres. Bienvenu.e.s dans l'univers de notre artiste du mois!


 

Quel est ton processus de création ?

Quand je commence un travail d’illustration, c’est souvent parce que j’ai envie de parler et que les mots me manquent. J’imagine d’abord l’illustration dans ma tête, elle grandit comme ça.

Je me couche le soir avec un début d’image, qui grandit au fil des jours, et petit à petit les détails apparaissent. Quand j’ai l’image dans son ensemble, je commence à dessiner. J’aime dessiner dans ma chambre-atelier tard le soir, quand il fait nuit et que toute la maison dort. Je me mets alors un podcast ou une série en fond sonore, j’invoque l’image dans ma tête au premier plan, et je commence une première esquisse au crayon.

Pour une plus grande liberté de composition, je travaille souvent les différents éléments de mon illustration séparément. Je les assemble ensuite tel un puzzle, via mon ordinateur et des logiciels de mise en page. J’aime aussi la spontanéité de l’encre de chine, sans passer par la case crayon.

Venant du milieu de l’impression, et notamment de la sérigraphie, j’affectionne particulièrement les aplats de couleurs franches et le noir, ma couleur préférée.

Comment trouves-tu l’inspiration dans ton quotidien ?

Je trouve mon inspiration dans les sujets d’actualité. D’abord, quand un sujet me révolte, me dérange, vient me titiller même après avoir fini sa lecture. J’aime l’idée que mes dessins offrent un autre point de vue à des sujets sensibles, qui sont souvent baignés d’images violentes voire morbides.

En tant que militante, c’est aussi au cœur de mon engagement que je trouve mes sujets de dessin. J’aime que mes dessins puissent servir un combat, témoigner d’expériences collectives vécues, qu’ils participent à construire nos propres récits, très loin des récits officiels médiatiques. Et puis, à chaque fois que je découvre une auteure (je ne lis principalement plus que des femmes…) et qu’une phrase me touche dans le cœur, souvent j’en fais un dessin. C’est aussi une manière d’avoir l’occasion de parler d’un boulot que j’aime bien, de mettre en avant une alliée, d’inviter mes ami.es, les personnes qui me suivent à aller lire cette personne, ce texte… 

 

Quels sont tes projets alternatifs bruxellois coup de cœur ?

Une mention spéciale pour deux collectifs qui installent dans le paysage bruxellois des images en lien avec des luttes sociales – Le collectif Murmures, dont la devise est « Les murs ne sont pas des frontières, ils sont nos supports », qui, à travers des sessions de collages dans toute la ville, rend visible la réalité vécue par les personnes migrantes, en mettant leur témoignage en avant – Le CAAB, (collectif Artistes Actifs Bruxelles) qui anonymement coordonne des actions dans l’espace public pour rendre visible la lutte des personnes sans-papiers.

Et puis, pour finir, je parlerais d’un collectif COUP DE COEUR, le Comité des Femmes Sans-Papiers, qui rassemble des femmes puissantes fortes et si belles (on s’entend sur le mot « belles » volontairement choisi comme une palette infinie de qualités). En 2022, elles organisaient un match de foot entre elles et une équipe saint-gilloise, entre femmes, dans l’espace public (le petit City stade de Porte de Hall) pour faire le lien entre l’exploitation des travailleureuses du Quatar et leur exploitation à elles, en Belgique. Elles se réunissent pour lutter, mais aussi pour danser. Elles font de la lutte une possibilité de joie, me rappelant mes lectures de Juliette Rousseau ou de Starhawk. Et elles ont, depuis son passage à Bruxelles, Angela Devis comme marraine ! La classe.


Photos: Ninon Mazeaud