En quoi le véganisme est-il une éthique du partage?

Printemps 2017

Le partage est une des valeurs les plus importantes de l'humanité, mais il implique souvent la question du procédé à mettre en œuvre. Le véganisme, en tant que mode de vie et de pensée excluant l’usage de tout produit et «service» résultant d’une quelconque forme d’exploitation animale (habillement, cosmétiques, produits d’entretien, zoo, cirque avec animaux, etc.), constitue une des réponses possibles.


 

Une alimentation fédératrice

Qu’est-ce qui en fait une éthique du partage? Tout d’abord, lorsqu’on parle de consommation, on évoque souvent le mode d’alimentation. Et quoi de mieux qu’un bon repas pour fédérer et unir tout le monde? Or, qui dit pluralité autour de la table, dit aussi pluralité de singularités. La problématique du vivre-ensemble va donc habituellement de pair avec le mode d’alimentation. Nous avons tous autour de nous des personnes qui refusent de manger certains produits pour des raisons religieuses (le porc et les aliments non halal pour les musulmans, la nourriture non kasher pour les juifs, la viande et d’autres produits d’origine animale pour les bouddhistes, etc.), des raisons personnelles (santé, régime alimentaire, etc.) ou bien pour des raisons éthiques (par respect du droit à la vie, du droit de ne pas souffrir, pour l'écologie, pour partager, etc.). Or le véganisme est le mode de consommation le plus adaptable au vivre-ensemble de la diversité des pratiques alimentaires, et donc, celui générant le moins de conflits potentiels, car il exclut une grande majorité des aliments précédemment cités.

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Un mode de vie économe et protecteur
Cependant, lorsqu’on évoque le partage, c’est aussi de solidarité et d’entraide dont il est question. Là encore, le véganisme, aussi bien par sa grande efficience en matière d’environnement qu’en matière de gestion plus équitable des ressources, fait ses preuves. En effet, les cultures végétales sont généralement celles qui nécessitent le moins de terre et d’eau. Pour un kilogramme de bœuf, il faut monopoliser en moyenne 15 000 litres d’eau et entre 269 et 323 m² de terre (WWF Suisse) (en fonction de l’accès ou non des bœufs aux pâturages). La culture d’un kilogramme de pomme de terre, quant à elle, ne nécessite que 287 litres d’eau et 6 m² de terre. Pourquoi de telles différences? Car l’élevage animal demande une très grande quantité d’eau et de végétaux. On estime que pour produire un kilogramme de viande, il faut en moyenne 7 kilogrammes de végétaux. Il y a aussi le problème du gaspillage: pour un bœuf de 700 kilogrammes, seuls 251,7 kilogrammes sont récupérés après désossage (soit une perte de 64%). Une partie importante de l’animal (impropre à la consommation humaine) est soit jetée, soit réutilisée pour l'alimentation non humaine. On peut donc voir en quoi le véganisme contribue à plus de solidarité: il limite le gaspillage et offre un partage plus équitable des ressources. De plus, les pays industrialisés produisent la majorité de la nourriture des animaux d’élevage dans les pays pauvres, en rachetant ou volant les terres aux agriculteurs locaux, les privant ainsi de leur seul moyen de subsistance. Ils contribuent également énormément à la déforestation des terres dans ces mêmes pays: 80% de celle-ci est causée par l’élevage.

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Une pensée également philanthropique

Le véganisme défend tous les animaux, l’homme y compris. Ce mode de vie soutient donc aussi une plus forte participation à la lutte contre toutes les formes de souffrances humaines. La majorité des véganes refusent certains produits dès lors qu’ils participent à l’exploitation humaine (travail des enfants, travail dans de mauvaises conditions, etc.). Chaque végane essaye de faire de son mieux pour améliorer le monde dans lequel il vit, pour le rendre plus juste et moins dangereux.

Il s’agit de défendre l’entraide et la justice contre la guerre et l’exploitation;

de protéger les plus faibles (les animaux, les pauvres, les opprimés, etc.) contre toute forme de violence.C’est une éthique de la compassion qui partage, en refusant un plaisir personnel pour «offrir» à autrui la garantie du respect de ses droits les plus élémentaires.

Il faut aussi savoir que le véganisme va souvent de pair avec une agriculture désindustrialisée et biologique favorable à des rapports de plus grande proximité avec les producteurs. La logique végane promeut la consommation locale pour limiter l’impact carbone. Ils sont aussi généralement prompts à faire leurs produits eux-mêmes. Ils œuvrent pour un capitalisme plus écologique, plus solidaire qui viendrait combattre l’accaparement, la destruction et la désindividualisation que le capitalisme actuel engendre. On peut, en ce sens, comprendre en quoi notre rapport au monde, par une prise en compte du bien d'autrui, se voit bouleversé par le mode de vie végane.

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Enfin, le véganisme a une vision particulièrement respectueuse de l'environnement. Il ne respecte pas qu’une seule forme de vie: il les respecte toutes. Il existe une tendance de fond chez les véganes qui les amène, quelques fois, à une sorte de minimalisme de la consommation où l'utilisation excessive et le gaspillage des végétaux sont refusés afin de préserver l’environnement. En effet, celui-ci est indispensable à toute vie saine et plus particulièrement à celle des animaux et des populations pauvres qui n’ont souvent pas les moyens de se protéger des effets négatifs des catastrophes et dérèglements climatiques.

Par ailleurs, notre considération pour notre environnement au sens large conditionne la manière dont on traite les autres, humains ou non-humains.

Gandhi disait d’ailleurs: «On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux» tandis que Kant affirmait que: « l'homme qui est capable de cruauté avec eux [les animaux non-humains], sera aussi capable de dureté avec ses semblables». (Leçon d’éthique, Kant)

Le partage et la prise en compte du bien d’autrui est l’une des logiques les plus fondamentales du véganisme, la prochaine fois que vous aurez l’occasion d’avoir un(e) végane à votre table, profitez-en donc pour partager avec elle/lui en végétalisant votre repas, montrant ainsi que vous aussi vous voulez œuvrer pour un monde plus juste et plus équitable, qu’il n’est pas seul à se battre et que nous sommes tous unis par notre sentiment d’humanité.


Illustrations: Tanguy "MaxenceR" Chêne