Sauvages ! L’armoise commune

la région de bruxelles-capitale est bien plus verte qu’on ne l’imagine et abrite une mosaïque de parcs, bois, jardins et forêts. au creux de ces poumons verts, une ribambelle de plantes sauvages ont élu domicile et ne demandent qu’à être rencontrées. nous avons eu envie de vous partager une série d’articles sur quelques-unes de ces sauvageonnes de chez nous, avec des conseils sur la manière de les identifier, les cueillir* et les utiliser. ouvrez grand les yeux et les oreilles, le voyage en vaut la peine!


Il existe plusieurs dizaines d’espèces d’armoises, regroupées dans le genre Artemisia, au sein de la tribu des Astéracées, immense famille botanique dans laquelle on rencontre pêle-mêle l’artichaut, le calendula, le pissenlit, la pâquerette ou encore le tournesol. Artemisia vulgaris est la sœur de l’armoise annuelle, Artemisia annua, plante très prisée de la médecine chinoise, de l’estragon, Artemisia dracunculus, connu essentiellement pour son utilisation en cuisine et moins pour ses vertus antispasmodiques, ou encore de l’absinthe, Artemisia absinthium. L’armoise est connue et utilisée depuis l’Antiquité, on l’appelait alors  “ponema” mais c’est le nom latin Artemisia qui est resté dans l’histoire. 

L’armoise est une grande et belle plante qui peut mesurer jusqu’à deux mètres de haut et se dresse fièrement dans les friches et les terrains vagues, habillant de ses touffes vertes les bords de routes et de voies ferrées ou encore les maisons abandonnées. Elle pousse naturellement dans les zones tempérées d’Europe centrale, d’Afrique du Nord et on la rencontre jusqu’en Asie. C’est une plante vivace à la tige épaisse, rameuse, herbacée et légèrement rougeâtre. Ses feuilles ont la particularité d’être bicolores, vertes et lisses d’un côté, argentées et légèrement duveteuses de l’autre, et de s’amincir au fil de leur cycle pour devenir très fines lorsque la plante porte ses fleurs et ses fruits. Les fleurs sont discrètes, étranges petits tubes au bout desquels on trouve des filaments jaunes ou rose. Une fois fécondées, elles donneront naissance à des akènes par milliers qui se dispersent dans les airs pour conquérir le monde, le pollen des fleurs d’armoise est d’ailleurs très allergisant.

La déesse grecque Artémis, Diane dans la mythologie romaine, aurait donné son nom latin au genre des armoises. Déesse du sauvage, de la chasse et du féminin, son rôle était d’accompagner les femmes dans les domaines de la menstruation, de la naissance et de la ménopause.

La plupart des plantes sous le patronage d’Artémis sont dites “plantes de la femme” et ont des propriétés régulatrices du cycle féminin. 

L’armoise commune accompagne les femmes pendant toute leur vie et agit sur le cycle féminin, pour le réguler, le stimuler ou encore l’apaiser. Elle soigne l’aménorrhée, c’est-à-dire l’absence de règles, et on peut alors l’associer avec du gingembre frais râpé et de l’achillée millefeuille, deux plantes décongestionnantes du petit bassin qui vont réchauffer la zone et faciliter la circulation. L’herbaliste Christophe Bernard recommande un mélange en infusion de ces trois plantes en proportions égales, idéalement à partir de dix jours avant la date d’arrivée des règles.

L’armoise commune soigne aussi la dysménorrhée, c’est-à-dire les règles douloureuses ou trop abondantes, et on la consomme alors deux ou trois jours avant le début des saignements, puis on continue pendant toute la durée des règles.

Évidemment, on rappelle que si l’on rencontre un problème, quel qu’il soit, avec son cycle, on commence par consulter un(e) gynécologue avant de prendre telle ou telle plante.

On consomme l’armoise sous forme d’infusion de feuilles fraîches ou sèches et il est important que la plante ait gardé après le séchage une odeur aromatique, légèrement épicée et une belle couleur verte.

On récolte les têtes florales avant l’éclosion complète des fleurs, car c’est à ce moment-là qu’elle a le plus de saveur.

L’idéal est de la cueillir dans des zones fortement ensoleillées, peu humides, où elle aura un peu “souffert” d’un climat sec, elle dégagera alors tous ses arômes et ses propriétés médicinales; ceci vaut d’ailleurs pour la plupart des plantes aromatiques qui apprécient un sol pauvre et une situation sèche. 

Au niveau du goût, l’armoise est amère, moins que sa cousine l’absinthe, certes, mais l’amertume est bien présente et c’est cette amertume qui en fait une plante amie de notre système digestif. On peut boire une infusion légère d’armoise après un repas trop lourd, les composants amers contenus dans la plante aident à assimiler les viandes et poissons gras. Dans les cuisines anglaises et allemandes, on farcit d’ailleurs certaines viandes et gibiers de feuilles d’armoise qui allègent ces préparations. Toujours dans le domaine culinaire, on trouve au Japon des pâtisseries réalisées à base de pâte de riz gluant et de jeunes pousses d’une espèce d’armoise, Artemisia Princeps, couramment appelée “yomogi”. Le yomogi daifuku est entièrement vert à l’extérieur et fourré de purée de haricots rouges. L’utilisation de la plante offre à ce daifuku un goût particulier, légèrement herbacé et détient une forte symbolique puisque, dans la culture populaire, yomogi est censée faire fuir les mauvais esprits.

L’armoise nettoie les lieux, les corps, et c’est aussi une plante vermifuge à utiliser au jardin.

En purin, elle repousse activement insectes, rongeurs, limaces et escargots. Elle est populaire, abondante, facile à reconnaître et à rencontrer en nature, elle prend place dans de nombreux rituels. On lui a donné toute une série de noms, dont celui d’Herbe de feu, référence solaire liée aux rituels de la fête de la Saint-Jean. On pensait alors que cueillir certaines plantes à l’occasion du solstice d’été augmentait magiquement leur vertus protectrices. Celles de l’armoise seraient de protéger de la foudre et des voleurs et on en faisait des couronnes tressées que l’on portait toute la nuit avant de les jeter au feu au petit matin. C’est une plante associée à la force et au courage, on rapporte d’ailleurs que les soldats romains garnissaient leurs chaussures de feuilles d’armoise, pour empêcher leurs pieds de se fatiguer pendant les longues journées de marche. 

Pour rester dans le vocabulaire du feu, nous pouvons évoquer la moxibustion, une technique voisine de l’acupuncture, utilisée en médecine extrême-orientale et qui consiste à enflammer des petits tas de feuilles d’une variété d’armoise, Artemisia Argyi, à des endroits précis du corps pour les stimuler. Bien que fortement associée dans le folklore à la figure du feu et du Soleil, en astro-herboristerie, on considère que l’armoise est une plante lunaire. La Lune, dont Artémis porte un croissant à son front, l’astre aux reflets argentés comme le dessous des feuilles de l’armoise, l’astre féminin dont les cycles répondent à ceux des femmes. C’est sans oublier les propriétés divinatoires que l’on prête à l’armoise qui aiderait les projections astrales, les rêves lucides, la rencontre entre mondes visibles et invisibles, autant de qualités qui nous rappellent que cette plante est habitée par une énergie nocturne. Pour que l’armoise vienne border nos lits et broder nos nuits, on peut, par exemple, faire un dream-pillow, petit oreiller rempli de plantes séchées, la faire brûler comme un encens ou la boire avant de sombrer dans les bras de Morphée. 

Contre-indications : 

L’armoise est absolument interdite aux femmes enceintes et allaitantes. Elle est également interdite aux personnes allergiques aux plantes de la famille des Astéracées. Respecter les doses et ne pas en consommer pendant une trop longue période.


Illustrations: Lison Ferné