Disparition des moineaux: “Ce n’est pas parce qu’une action semble insignifiante qu’elle n’est pas importante”

Printemps 2018

Le moineau, ce petit oiseau au plumage brun et gris et dont l’Histoire est liée à celle de l’humain, est une espèce en voie de disparition. Insuffisance de nourriture, destruction de son habitat, usage de pesticides et manque de densité végétale en sont les principales causes. Partant de ce constat, le collectif saint-gillois “Les amis des moineaux” se réunit régulièrement afin de mettre en place des actions permettant à ces oiseaux de se repeupler. Delphine Morel nous parle de l’importance du moineau et de la valeur à accorder à nos actions en apparence insignifiantes.


 

Pourquoi le moineau disparait-il?
Il disparaît parce que son habitat traditionnel disparaît. C’est un oiseau qui niche dans les trous de façades mais celles-ci sont de plus en plus rénovées. On pense que rénover est une bonne chose mais on oublie qu’il y a toute une série d’habitants qui occupent ces espaces qu’on isole.

Tout ce qu’il mange disparaît aussi. À différentes périodes de l’année, les parents ont de plus en plus de mal à nourrir les jeunes par manque d’insectes. Les populations d’insectes déclinent petit à petit parce qu’on traite de plus en plus les espaces verts. Les grandes et belles pelouses n’offrent rien à manger aux oiseaux.

C’est toute une série de critères qui, mis les uns à la suite des autres, ont des conséquences gigantesques sur les moineaux. Tandis que pour nous, ce sont des pratiques qui sont ancrées dans le quotidien mais qu’on peut changer facilement pour aider, pas seulement les moineaux, mais aussi la population d’insectes et d’autres oiseaux. Il est important de mettre en place des petites actions en réfléchissant toujours aux conséquences à court, moyen et long terme qu’elles peuvent avoir sur le moineau et sur le reste de l’écosystème.

Pourquoi est-il important de protéger les moineaux?
Si le moineau disparaît, plein d’autres espèces peut-être moins visibles seront impactées. Sa disparition est comme une sonnette d’alarme. Moins il y a d’insectes, moins il y a de pollinisation et moins il y a de moineaux parce qu’ils se nourrissent de graines et d’insectes et donc ont moins accès à leur nourriture. Si les plantes ne montent pas en graines ça veut dire qu’on empêche la reproduction des plantes et donc quelque part dans le cycle il y a une mécanique qui ne fonctionne plus.

Une fois qu’on commence à s’intéresser aux moineaux, on s’intéresse aux arbres ou à en tous cas un petit aspect devant lequel on défile tous les jours et qui peut passer complètement inaperçu le reste du temps. Il est important de faire un temps de pause, observer son environnement direct autrement, avec d’autres lunettes et comprendre qu’on peut évoluer dans son quartier différemment. Prendre en compte le moineau c’est prendre en compte un oiseau qui a toujours cohabité avec les humains et qui, ces dernières années, disparaît drastiquement dans tous les environnements urbains, que ce soit à Bruxelles mais aussi au nord et au sud de la Belgique, à Paris, à Londres, et qui disparaît également des campagnes. On peut changer nos actions au quotidien pour favoriser la cohabitation entre un tout petit oiseau qui a l’air tout à fait commun et l’être humain qui est omnipotent partout où il va!

Printemps 2018

Quelles sont les actions que mènent “Les amis des moineaux”?
Pour le moment, on fait beaucoup d’actions en interne pour réfléchir à comment parler au public, avec quels outils et que proposer concrètement. On a rédigé un “cahier du moineau” qu’on va tester en direct avec des habitants de Saint-Gilles. On a également fait une carte du recensement des moineaux. Les moineaux sont des oiseaux qui habitent en colonie donc c’est important pour nous de savoir où se trouvent les colonies existantes et comment faire pour renforcer ces colonies avant de voir comment on peut installer d’autres colonies ailleurs. Et sur base de cette carte, on a identifié des points sur lesquels on va concentrer nos actions. On va installer des nichoirs et des mangeoires et agir en “consultants moineaux” pour expliquer aux gens comment faire pour améliorer leur cadre de vie. Il y a aussi plein d’autres choses qu’on aimerait faire avec les écoles, avec le étudiants en architecture de Saint-Luc, les architectes qui travaillent à la commune et avec toutes les institutions publiques qui sont présentes sur le territoire saint-gillois, que ce soit la commune, la stib, les gestionnaires d’espaces verts, etc. Il y a du travail pour une équipe à temps plein et c’est un projet bénévole!

Quelles sont les actions que peuvent mener les citoyens pour aider les moineaux?
La première chose à faire est d’observer s’il y a des oiseaux sur leur terrasse ou dans leur intérieur d’îlot. Essayer d’identifier ces oiseaux, le site de Natagora peut aider. Ensuite, en fonction des observations et des informations qui sont disponibles via Natagora, voir exactement quelles sont les mesures les plus adaptées pour les types d’oiseaux observés.

Il est par exemple important de réfléchir à ce qu’on donne à manger aux oiseaux. C’est génial de leur donner à manger mais est-ce que ce qu’on leur donne est bon pour eux?

Les boules qui sont vendues dans le commerce contiennent énormément de graisse par rapport aux nutriments. Il faut réfléchir à d’autres mélanges de graines. Il est également important de se poser la question de s’il faut donner à manger aux oiseaux tout au long de l’année, ou bien ces oiseaux ont-ils besoin de nourriture plus particulièrement à un moment qu’à un autre? Il faut donc prendre le temps de penser à ce qu’on fait et savoir si c’est le plus pertinent ou s’il y a moyen de bonifier ces actions.

Si les lecteurs cherchent des informations, ils peuvent d’abord se demander où habite le moineau et comment puis-je l’aider en terme d’habitat? Que mangent et boivent les moineaux? Comment se reproduisent-ils et que faut-il faire exactement à cette époque-là?

Ce n’est pas parce qu’une action semble insignifiante qu'elle n’est pas importante: les plantes qu’on choisi pour mettre sur sa terrasse ou dans son jardin, laisser les plantes monter en graines, mettre une coupelle d’eau et une coupelle de sable pour qu’ils puissent nettoyer leurs plumes, réfléchir aux types de graines qu’on accroche et quand est-ce qu’on les met, tout ça est très important!

À chaque saison il y a plein de petites choses à faire et surtout, la chose la plus insignifiante est importante.

Mis à part les humains, quels sont leurs prédateurs?
Ce sont notamment les chats. Si le chat le supporte, on peut lui mettre une clochette autour du cou de manière à ce que les oiseaux le repèrent. Il faut savoir aussi que les chats en milieu urbain doivent être stérilisés. Des communes proposent des primes pour l’aide à la stérilisation. Il ne faut vraiment pas hésiter à contacter Bruxelles Environnement ou sa commune. Des personnes nous ont demandé comment faire avec des chats plus ou moins abandonnés, nourris par plusieurs voisins, qui rodaient dans leur intérieur d’îlot et représentaient une menace pour les oiseaux. Il existe des asbl qui stérilise gratuitement les chats, qui les prennent en refuge ou en tous cas qui essayent de les placer. On peut poser ces questions aux vétérinaires du quartier qui sont toujours une source très importante d’information sur les animaux domestiques qui ont besoin de soins mais aussi les animaux plus sauvages qui évoluent en ville.

Les vitres et les grands immeubles qui reflètent la lumière sont aussi un danger car les oiseaux ne perçoivent pas cette barrière et donc sur certaines façades mais aussi sur les murs antibruit des autoroutes, sont placés des autocollants en forme d’oiseaux. Ca les aides à repérer les obstacles.


 

Si vous désirez donner de votre temps aux “Amis des moineaux” ou si vous voulez lancer un groupe autour des oiseaux dans votre commune, n’hésitez pas à contacter Delphine Morel du collectif "Les amis des moineaux".

Illustrations : Lysiane Ambrosino